
Emmy ouvrit les yeux sur son corps nu contre celui d'Iwan sous les couvertures. Sous la lumière du jour, la jeune touriste vit le corps de son amant sous un nouvel aspect. L'image était belle, charmante, invitante. Pouvait-elle le réveiller et renouveler les exploits de la veille? Les sensations de la nuit dernière lui revinrent en mémoire, la faisant sourire. Elle avait eu beaucoup d'audace de faire avec cet homme, un inconnu, ce qu'elle n'avait encore jamais fait. Elle avait perdu sa virginité avec un britannique, qui plus est, un britannique qu'elle admirait. Elle se souviendrait de ce moment toute sa vie! Il avait été un ange avec elle, si gentil et il sembla à la noiraude qu'il l'appréciait vraiment. Il ne l'aurait pas invité à rester pour la nuit sinon. Toutefois, Emmy se rendit à l'évidence qu'elle avait couché avec un inconnu. Ce serait Eva qui en serait contente...
Lentement, elle poussa les couvertures pour se lever, mais son mouvement réveilla le gallois. Celui-ci tourna la tête et sourit, lui attrapant la main.
«─ Tu files en douce? fit-il en la tirant vers lui gentiment, faisant rire la noiraude qui se laissa faire.»
L'homme ne voulut rien en particulier, juste la tenir dans ses bras. Il lui demanda si elle avait bien dormi, se rendant compte qu'il avait passé une excellente nuit, comme il n'en avait pas eu depuis longtemps. Il n'avait pas eu une femme dans son lit depuis près de six mois et cela lui plut. Le sentiment était agréable. Ils restèrent couchés un instant, se réveillant convenablement. Pour Emmy, ce fut une drôle d'expérience, elle qui était toujours maussade et susceptible au matin, la présence d'Iwan lui mit un sourire aux lèvres.
Ils sortirent du lit à dix heures, prêts à commencer cette nouvelle journée. Quelle magnifique sensation pour Emmy que de se lever avec un homme. Tout lui sembla différent, comme si elle voyait avec ses propres yeux pour la première fois.
Puis, Iwan eut faim. Il regarda dans son frigo et eut une moue en se redressant pour regarder la jeune femme. Il proposa de sortir chercher Eva à l'auberge et aller manger tous les trois dans un petit restaurant de leur quartier. L'idée plut à Emmy qui hocha la tête, allant chercher ses effets dans la chambre du gallois. La noiraude sut pertinemment qu'Eva ne refuserait pas l'occasion de poser toutes les questions qu'elle devait avoir en tête depuis la veille. Forcément, elle les harcèlerait.
Il fallut dix minutes en voiture pour se rendre à l'auberge. Iwan savait ce qu'il faisait et où il devait aller, ce qui surprit un peu Emmy. Elle oubliait parfois que l'homme n'était pas un touriste comme elle, ce qui la fit rire. Après avoir trouvé un stationnement devant l'édifice, ils se rendirent à la chambre en riant de tout de rien; il était si facile pour Emmy de rire en présence d'Iwan. Ils eurent l'air, aux yeux des inconnus qu'ils croisèrent, d'amis de longue date, d'amis d'enfance. Il y avait une vraie connexion entre eux qui facilitait leurs rapports, quels qu'ils furent. Pour Iwan, cette connexion lui avait fait défaut avec les femmes dans les trois dernières années. Il avait eu de la difficulté à s'engager avec son travail et son mode de vie. Avec Emmy, c'était si simple. Pour celle-ci, elle remerciait le ciel d'avoir mit le gallois sur sa route. Il était rafraîchissant pour elle, différent de ce qu'elle connaissait de sa petite vie tranquille et bien rangée sans expérience.
Leur joie trouva le silence lorsqu'Emmy ouvrit la porte de la chambre. Eva dormait peut-être! Toutefois, la noiraude poussa une exclamation de surprise, reculant d'un pas lorsqu'elle croisa Jamie qui sortit de la salle de bain torse nu.
«─ Bon matin tous les deux, lança celui-ci joyeusement, souriant.
─ Qu'est-ce que tu fais tout nu dans ma chambre? s'exclama Emmy d'une voix étonnement calme, dévisageant le britannique qui ne cessa pas de sourire pour autant.
─ Je ne suis pas tout nu. Je porte des boxers, fit-il remarquer en pointant le sous-vêtement.
─ On dirait bien que nous ne sommes pas les seuls à avoir eu du plaisir hier soir, fit remarquer Iwan, souriant devant l'attitude si désinvolte de son ami.
─ Oh mon dieu! Qu'avez-vous fait? s'exclama Eva qui sortit précipitamment des toilettes à son tour.
─ Si tu penses t'en sortir comme ça, tu rêves, lança Emmy en secouant la tête.
─ Ce n'est pas parce qu'il est dans la chambre au matin que ça veut automatiquement dire que je me suis ouvert les jambes, avertit la rousse, son sourire un peu plus grand en s'approchant de son amie. Oh, je suis si fière de toi, félicita la rousse avec beaucoup trop de théâtralité, un sourire tendre et ému étirant ses lèvres alors qu'elle portait les mains à son c½ur.»
Iwan ne comprit pas ce qu'Eva dit à Emmy en français, toutefois, à voir comment Jamie regardait la rousse, il fronça les sourcils. N'avaient-ils rien fait cette nuit? Ils avaient pourtant dormi ensemble si l'homme était dans cette chambre à cette heure! Cela ne faisait aucun sens. Avec toute la tension qu'ils avaient dégagé au bar le premier soir, il avait cru qu'ils n'auraient besoin que d'être à l'abris des regards pour se sauter dessus et assouvir le fantasme qui se cachait dans leurs yeux! Et pourtant non? Cela n'eut pas de sens. Lorsqu'il avait sous la main une femme prête à lui faire vivre une nuit torride, Jamie ne disait jamais non. Il devenait un peu... vorace devant le plaisir. Pourquoi se retenir maintenant? Le gallois tourna alors la tête vers son ami, le pointant avant de pointer Eva.
«─ Vous n'avez rien fait? balbutia-t-il, rempli d'incompréhension.»
Pour toute réponse, Jamie secoua la tête avant de tourner les yeux sur Eva. La jeune femme tourna la tête vers lui et lui sourit en coin. L'homme le lui retourna et caressa sa main lorsqu'elle passa près de lui. Ce petit geste voulut dire bien plus qu'ils ne le pensèrent. Les choses étaient plus sérieuses qu'elles n'y parurent le premier soir. Iwan alterna le regard entre eux, réalisant qu'il avait sous les yeux quelque que Jamie n'avait pas vécu depuis bien longtemps. Pour Emmy, ce geste voulut dire tout le contraire. Eva n'avait toujours rien dit à Jamie. En gardant le silence, elle impliquait Jamie dans cette trahison dont il ne connaissait rien. Cela n'était pas correct, ni pour le britannique vu la façon dont il observait la québécoise, ni pour elle-même.
Soupirant en se forçant au silence, elle secoua la tête et alla prendre des vêtements propres. Depuis la salle de bain, la noiraude entendit son amant exposer son désir d'aller prendre un bon petit déjeuner tous ensemble. Jamie en fut ravi. Les deux hommes pourraient ainsi montrer aux deux touristes un peu plus intimement Londres et la cuisine britannique.
Cette sortie au restaurant fut agréable. Eva trouva de quoi bien se remplir la panse et en profita pour observer attentivement Iwan et Emmy. La chimie qui les rapprochait n'échappa pas à son attention. Le gallois n'eut d'yeux que pour la jeune femme. Celle-ci lui rendit chaque attention, prise avec les nouvelles envies charnelles dont son corps était victime. Les joies du sexe! Enfin, il y avait pour Emmy quelque chose de plus intéressant que son ordinateur et toutes ces histoires qu'elle lisait sans cesse. Elle vivait sa propre histoire qu'elle n'avait pas besoin d'écrire, ni imaginer. Rien n'aurait pu rendre Eva plus heureuse pour Emmy.
Celle-ci, dans le plus grand secrets, épia la rousse. Eva et Jamie se regardaient dans les yeux, leurs mains se cherchaient sous la table, leurs petites messes basses les faisaient chacun sourire. Emmy n'approuva pas, par principe moral, mais ce fut bien malgré elle qu'elle les trouva adorables. Comment Jamie avait-il pu se faire avoir aussi facilement par Eva. N'avait-il pas encore vu que la rousse était nocive? Elle avait cru qu'il aurait été plus perspicace, plus saint d'esprit qu'elle alors qu'en fait, c'était tout le contraire, il était pire et c'était ce qui les poussait un peu plus dans les bras de l'autre. Complètement irresponsable et particulièrement incroyable. Et Eva! Elle qui avait passé un peu plus de trois ans avec son copain à garder un contrôle d'elle-même exemplaire pour s'en sortir, au prix d'efforts surhumains, allait tout gâcher pour un petit plaisir de vacance! Pourquoi, Emmy se le demanda et ne trouva aucune réponse logique à cela.
À onze heures et quarante minutes, les quatre amis étaient devant le restaurant à parler de ce qu'ils feraient de leur journée. Le ciel était gris, un petit vent frais insistait sur les gens dans les rues. La chaleur de la veille s'était dissipée dans la nuit. Jamie demanda à la rousse si elle voulait retourner à l'auberge et passer la journée avec Emmy, ce à quoi Eva secoua la tête. Elle ne permettrait pas de priver son amie des bras d'Iwan tant qu'elle pourrait en profiter. Ce serait injuste, compte tenu qu'elle ne savait pas quand cette belle romance prendrait fin. Elles auraient l'occasion d'être seules ensemble plus tard. Après maintes discussions et insistance d'Eva, ils optèrent pour aller visiter le National Portrait Gallery, que la jeune femme n'eut pas le plaisir de voir la veille.
Pour s'y rendre, les deux londoniens payèrent le bus. De cette façon les touristes verraient un peu la ville sous un autre aspect que ses sous-terrains et son métro. Le froid s'en prit à Eva, qui se maudit en silence de n'avoir pris que des shorts à mettre, frissonnant et grelottant. Toutefois, elle trouva le moyen de s'extasier des attractions passant sous ses yeux dans les rues, lui donnant envie de tout essayer à la fois. Malheureusement, le froid se fit de nouveau insistant sur elle lorsqu'ils mirent pied à terre. Frissonnant de nouveau, elle secoua la tête et courut jusqu'à l'entrée, laissant derrière elle les trois autres qui prirent leur temps. Elle ne leur fit pas attention, se réfugiant dans le hall majestueux du musée. Son regard épousa les formes de l'architecture, se délectant déjà de cet endroit somptueux. Un homme vint à sa rencontre et lui proposa un guide audio pour la visite, toutefois, la touriste refusa, préférant vivre sa propre expérience. Elle pourrait bien trouver réponse à ses questions auprès de ses amis et vice versa, nota-t-elle pour elle-même.
La visite se fit dans le plaisir. Les pièces défilèrent, certaines furent passées rapidement, on s'attarda à d'autres. L'endroit était calme, silencieux. Il y avait une sorte de respect religieux pour l'histoire qui se dégageait de chaque toile. La folie du groupe détona amèrement dans cet endroit paisible. Ils y étaient pour avoir du plaisir, en dépit des regards qu'on leur lança à chaque salle.
Rapidement, les deux hommes remarquèrent l'amour des deux touristes pour l'art, la peinture, l'histoire, pour certain sujet en particulier. Ils virent Eva rester de longues minutes en admiration devant certaines toiles qu'elle avait étudiées à l'école comme Les époux Arnolfini de Jan van Eyck. Lorsque le gallois la rejoignit devant la toile, il lui demanda ce qu'elle observait avec tant d'attention. Elle lui répondit qu'elle regardait le peintre, sur la toile, ce qu'Iwan ne comprit pas vraiment. Alors qu'il fronçait les sourcils, la rousse lui montra un miroir dans la composition, dans lequel on pouvait voir, en regardant attentivement, le peintre de l'autre côté de la pièce. Iwan sourit en coin et lança un regard à Jamie, derrière, qui avait croisé les bras pour observer, non pas la toile, mais la jeune femme devant. Le gallois vit un peu de ce qui attirait tant Jamie chez elle.
À chaque nouvelle pièce, la rousse avait sous les yeux des années d'apprentissage et d'histoire, de techniques et de talents incroyables. Qu'est-ce qui pouvait rivaliser avec du Rembrandt? Y avait-il de plus belles couleurs que celle de Turner? Elle avait un sourire aux lèvres qui ne la lâchait plus et qui la faisait resplendir de bonheur. C'était un bonheur que le britannique l'accompagnant au pas voulut lui donner indéfiniment. Il se demanda si elle souriait ainsi dans sa vie de tous les jours. Non. Il se demanda si ses yeux brillaient ainsi lorsqu'elle regardait le monde autour d'elle au Québec. Trop peu souvent. À un certain point, Emmy se questionna à savoir si Eva resplendissait à ce point pour l'endroit qu'ils visitaient ou pour la présence de Jamie à ses côtés. Qu'arriverait-il s'il s'agissait effectivement de la présence de Jamie à la rendre ainsi? Que se passerait-il lorsqu'elle perdrait cette lumière dans son obscurité, lorsque l'homme quitterait son histoire pour continuer la sienne?
Ils allaient entrer dans une nouvelle salle lorsqu'Eva attrapa Jamie par la main. L'homme se laissa traîner dans un couloir, puis derrière une porte fermée, lorsque le gardien de sécurité regarda de l'autre côté. La jeune femme n'avait plus envie de faire semblant, elle ne voulait plus attendre. Elle avait besoin de le sentir, de le toucher d'une quelconque manière. Eva sourit voracement lorsqu'elle poussa l'homme contre le mur, l'embrassant chaudement dans le cou. Celui-ci releva la tête en soupirant de bien-être. Il sentit les mains de la rousse passer sous son chandail pour caresser son ventre. Dieu qu'elle jouait durement avec lui; il avait tellement envie de tout foutre en l'air et simplement la prendre contre ce mur. Au diable l'endroit, la tenue, les règles. Ces règles n'étaient bonnes qu'à réprimer ce qu'ils étaient vraiment. Il aurait pu se demander ce qu'il était, en fait, mais il fut trop occupé à attraper les mains d'Eva en secouant la tête.
«─ Tu vas avoir ma peau, femme! murmura-t-il, affrontant le regard de la rousse.»
La jeune femme pinça les lèvres, ravalant difficilement ses envies. Tous ses non-dits étaient vrais, ils devaient se contenir, encore un peu. Soupirant, elle se força à se calmer et le regarda dans les yeux.
«─ Bien sûr que non, voyons. Je n'oserais jamais, Monsieur, fit-elle en prononçant le dernier mot en français, souriante. Pardonnez-moi. Mon corps à prit le contrôle sur ma conscience. Cela n'arrivera plus, je vous le promets, s'excusa-t-elle habillement, lui lançant un regard diabolique qui créa chez le chanteur des envies encore plus impures.
─ Je te jure, si je pouvais, commença Jamie, ses yeux verts s'encrant dans ceux d'Eva avec trop de sérieux, je t'attacherais à mon lit pour te montrer qui de nous deux à le contrôle sur ton corps... murmura-t-il d'une voix grave.»
La rousse manqua d'air. Elle écarquilla les yeux et frissonna, manquant de gémir devant ce commentaire si indécent, si suggestif, alléchant. Si Jamie avait mieux connue le regard d'Eva, il y aurait vu autre chose que la surprise dû à son commentaire. Il y aurait vu la nervosité, la peur, l'anticipation briller. Elle ne se laissa pas pour autant impressionner. Elle réfléchit à toute vitesse pour garder son calme, sa désinvolture. Elle ne le laisserait pas voir qu'il la décontenançait, pas question!
«─ Tu deviens soudainement dépravé, constata-t-elle d'un air tout aussi sérieux que celui du britannique.
─ Tu ne me laisses pas vraiment le choix de le devenir... répondit le châtain en hochant la tête.
─ Je t'avais dit que j'étais une mauvaise personne, lui rappela la rousse avec l'ombre d'un sourire. D'ici la fin de cette journée, tu ne pourras plus t'en passer et tu seras aussi dépravé que je ne le suis.»
Elle secoua la tête lentement et se recula pour mettre de la distance entre leur corps. Toutefois, il l'attrapa par le poignet et la tira à lui de nouveau pour l'embrasser fougueusement. Il immisça sa langue dans la bouche de la rousse qui perdit son souffle un instant. La situation la poussa à poser les mains sur la ceinture du châtain, descendant pour caresser son entre-jambe. S'il voulait jouer, elle jouerait et encore mieux que lui. Elle se frotta contre lui avec un sourire jusqu'à ce qu'il ouvrit la bouche pour lâcher un gémissement. Satisfaite, la jeune femme se détourna rapidement et échappa à sa prise. Elle sourit très légèrement, essuyant le coin de ses lèvres, le souffle court. Jamie, toujours appuyé au mur, chercha son air, le c½ur palpitant, et secoua la tête à son tour avec un sourire. Il suivit les pas de la rousse, ne la lâchant pas des yeux, jusqu'à retrouver leurs amis deux salles plus loin. Emmy leur fit subitement face, légèrement hystérique.
«─ Où étiez-vous, bon sang? Cela fait quinze minutes que vous avez disparu, s'écria-t-elle en colère, attirant l'½il noir des gardiens de sécurité.
─ Nulle part. Nous explorions une autre pièce de ce côté, mentit Eva, déglutissant pour reprendre un rythme cardiaque normal, échangeant un regard avec Jamie.»
Le britannique approuva les dire de la rousse, bien qu'il sut pertinemment qu'Emmy ne les crut pas. Ses soupçons ne trouvèrent toutefois aucune réponse dans le comportement de son amie, ni celui de Jamie. Au contraire, ils semblèrent tous les deux plus avide que jamais. Ils n'auraient pu assouvir quoi que ce soit et encore se regarder avec autant d'envie. Avec Eva, on ne savait jamais, mais elle douta néanmoins.
Finalement, Emmy soupira et refusa de s'occuper de cette affaire. Qu'ils fassent ce qu'ils voulaient, cette journée en compagnie d'Iwan était trop belle et précieuse pour ne pas profiter des ½uvres d'arts, les vestiges de l'histoire qu'on avait recueillis pour les exposer. Elle fit des deux autres, laissant le temps passer jusqu'en fin d'après-midi. Lorsqu'Eva lui dit qu'il approchait seize heures, les deux touristes consentirent à couper court à leur visite. Elles devaient être au théâtre, dans le quartier de Soho avant dix-neuf heures trente pour la pièce musicale Miss Saigon. C'était une activité qu'elles avaient attendu avec impatience. Quel plaisir aurait-elle de voir une si belle production. Jamie et Iwan ayant déjà vu la pièce leur assurèrent que ce serait une belle expérience.
Les deux jeunes hommes les déposèrent donc à l'auberge à seize heures et huit minutes, leur souhaitant une bonne soirée. Toutefois, avant de les laisser, une conversation s'échangea sur une possible journée à Brighton le lendemain. La température semblait être clémente, ensoleillée, chaude. Après une simple discussion en français, les deux jeunes femmes s'avouèrent qu'une escale de deux jours serait intéressante avant de quitter pour le reste de leur voyage. Jamie proposa de leur réserver une chambre en soirée pendant qu'elles seraient au spectacle. Elles pourraient repartir de Brighton directement.
Tout fut organisé, comme Eva l'aimait, et dans le but qu'Emmy panique le moins possible. Les deux hommes repartirent et les deux amies s'enfermèrent dans leur chambre pour se préparer pour la soirée. Elles n'étaient pas en retard, mais elles n'avaient pas beaucoup de temps à perdre.
Eva chantonna avec légèreté jusqu'à la salle de bain, où elle brancha son fer plat. Elle était joyeuse, flottant de bonheur, un peu perdue dans son monde. Emmy l'observa avec une moue. Elle n'avait que rarement vu la rousse fredonner ainsi sa joie. La plupart du temps, cela avait un rapport avec les hommes qui faisaient délirer l'esprit de la jeune femme. Comme Jamie, le batteur du groupe Simple Plan ou encore Franis Fee, un jeune artiste irlandais vivant ici-même à Londres. Emmy voulut ne pas y penser et avoir une belle soirée, seulement, elle avait retenu pendant deux jours tout ce qu'elle avait sur la conscience. Elle venait de mettre son chandail lorsqu'elle rejoignit Eva à la salle de bain.
«─ Ok, je sais que ça ne me regarde pas, soupira la québécoise sans se retenir, mais je sais que tu me prends pour une épaisse depuis ce matin, s'exclama-t-elle un peu plus brusquement, prise de panique.
─ En effet, ça ne te regarde pas, rétorqua la rousse sans la regarder.
─ Je sais qu'il s'est passé quelque chose! Il a dormi ici, criss, grogna la jeune femme en forçant son amie à lui faire face.
─ Nous n'avons pas couché ensemble, plaida Eva avec sérieux.
─ Crois-tu que je ne sache pas ce que tu fais?
─ Je suppose que tu crois savoir ce que je fais, mais je doute beaucoup que tu le saches vraiment, oui, avoua Eva en fronçant les sourcils.
─ Si vous n'avez pas couché ensemble, c'est seulement parce que tu joues avec lui et il se prête au jeu. Mais tu sais quoi? C'est MAL, s'écria la noiraude de colère. Caliss, Eva, Julien t'attend au Québec. C'est injuste, pour lui comme pour Jamie parce qu'il va s'attacher à toi, lui aussi, si vous continuez. Tu vas tout lui dire et arrêter ça! exigea Emmy d'une voix dure.»
Eva resta silencieuse. Elle ne sembla pas être touchée par les mots de son amie. Ses émotions ne furent trahies que par son mouvement pour déposer son fer. Son regard était sur le plancher et elle réfléchissait. Bien sûr que ce qu'elle faisait à Jamie était mal. Il avait le droit de savoir dans quoi il s'embarquait et pourtant, Eva n'avait pas le courage de le lui dire. Elle savait que cela le décevrait et, pour une étrange raison, elle ne voulait pas le décevoir. Elle préférait encore vivre avec elle-même et tout le mal qu'elle ferait plutôt que de voir dans les yeux du britannique la douleur et la brisure de ce qu'ils avaient eu ces deux derniers jours. Alors de savoir que c'était mal, était-ce suffisant?
«─ Tu as raison... avoua la rousse en hochant la tête, rationalisant. C'est mal et ils auront tous les deux mal à un moment. Je le sais parce que J'AI mal de ce que je fais. Mais sérieusement, je... j'aime ce qui se passe parce que je le fais pour moi et personne d'autre, fit-elle en regardant son amie. J'ai écrit des centaines d'histoires et d'aventures qui feraient changer ma vie et celle que je vis maintenant est en tout meilleure, parce qu'il me résiste! s'exclama Eva en regardant de nouveau Emmy, les yeux brillants. Ce qu'il y a de plus beau, c'est qu'il pourrait ne rien se passer du tout. Je n'ai pas l'intention de mentir, avertit la jeune femme rapidement en se redressant, si le sujet est amené, si la situation va plus loin, oui, je lui dirai, mais je refuse d'abandonner et regretter de ne pas avoir vécu mon histoire jusqu'au bout, peu importe jusqu'où ça va, conclut la rousse avant de se recevoir une claque de la part d'Emmy.
─ FUCK! TU ES SUR LE POINT DE TROMPER TON CHUM! cria Emmy de rage en dévisageant son amie, sidérée. C'est mal! C'est supposé être fondamentalement mal ce que tu fais, Eva! accusa-t-elle, comme si soudainement elle aurait une révélation. Une chose, encore. Ça aussi, penses-y bien avant de mettre sa queue dans ta bouche! Dans moins de deux semaines, nous serons à des milliers de kilomètres d'ici. Eva! Tout ce qui se passera avec Jamie ne vaudra plus rien à l'aéroport, parce que tu ne le reverras plus jamais! explosa la jeune femme, à bout de voir Eva avec si peu de respect pour elle-même.
─ Tu crois que je ne le sais pas, demanda Eva, les mots d'Emmy lui brisant un peu plus le c½ur à chaque seconde, y ayant pensé chaque fois que Jamie l'avait regardée. Mais tu ne penses pas que cela vaudrait mieux de vivre chacun de ces instants à fond plutôt que de les nier? voulut-elle savoir, s'appuyant au lavabo pour contrôler ses mains qui tremblaient violemment.
─ Je ne peux pas croire que tu viens de dire ça, lança Emmy en écarquillant les yeux.
─ Merde, Em', c'est ma putain de vie que je joue en ce moment! s'écria Eva en serrant un peu plus le lavabo, levant les yeux pour la voir dans le miroir. J'ai pleinement conscience des conséquences! Tu crois que je n'y ai jamais pensé au moins une centaine de fois avant aujourd'hui? Tu penses peut-être que je n'ai jamais rencontré personne qui m'ait donné envie de m'abandonner à mes convictions plutôt que celles de Julien? s'exclama Eva, sentant la colère briser sa voix. J'ai vingt-trois ans, criss, s'exclama-t-elle brusquement en fronçant les sourcils et faisant face à la noiraude. Vingt-trois fucking années où j'ai toujours fait comme il faut, à me priver pour ne faire de mal à personne. J'ai toujours pensé aux autres avant moi au point de m'oublier complètement avant aujourd'hui. J'ai eu de la difficulté à savoir qui j'étais avant de passer du temps avec Jamie. Détestes-moi si tu le veux, fit-elle froidement en fronçant les sourcils. Tu as tous les droits de le faire, mais je m'en fou. Si toi tu te permets de revoir Iwan, je ne vois pas pourquoi je devrais me priver de Jamie, argumenta Eva, regrettant déjà les mots sortis de sa bouche.»
C'était bas de sa part d'utiliser le gallois comme argument pour justifier quoi que ce soit dans sa colère. Pour une fois qu'Emmy vivait une belle histoire, Eva ne pouvait pas la blâmer. Elle ne pouvait pas non plus comparer son histoire à la sienne, jamais. Seulement, il était sa seule défense. Ce n'était que la panique qui la faisait parler. Elle sut tout de suite que la rage d'Emmy ne serait que pire. Celle-ci la dévisagea, comme si elle venait d'être frappée à son tour.
«─ Tu es totalement déconnectée de la réalité, lâcha Emmy d'une voix trop calme. Tu sais très bien que ce qui se passe entre Iwan et moi est différent en tout point à ce qui se passe entre Jamie et toi. Ne t'avises surtout pas d'utiliser ça comme argument, menaça-t-elle froidement, serrant les poings alors que la rousse fronçait les sourcils.
─ Vraiment? C'est si différent, tu crois? répéta la touriste, haussant un sourcil. Je suis curieuse, expliques-moi cette si grande différence qui nous sépare, nargua-t-elle avec une moue faussement intéressée. Toi qui a passé ta vie à attendre le prince charmant et garder ta virginité pour le mec parfait, maintenant que tu es ici et que tu n'en as que pour Iwan parce qu'il t'a témoigné plus d'attention que les autres, tout est différent? Tu crois que parce que tu es une licorne, il n'y en a que pour toi? Que moi, je n'y ai pas droit? s'écria la jeune femme.
─ Tu n'as aucun droit de me dire que je ne mérite pas l'attention d'Iwan, explosa la noiraude en s'approchant d'Eva qui lui fit face. Il est l'homme le plus adorable que j'ai rencontré de ma vie, mignon et il m'apprécie! Moi! Si j'ai l'occasion de passer du temps avec Iwan, j'ai le droit d'en profiter, bien plus que toi avec Jamie.
─ J'ai, moi aussi, le droit de vivre. J'ai besoin de vivre quelque chose pour me prouver que je ne suis pas déjà en train de crever, plaida Eva, sa voix tremblante et le regard brillant d'une émotion particulière. Si tu dois finir vieille fille avec sept chats pour que je sois avec Jamie une journée de plus, oui, je sacrifierais ton bonheur, Em'. Je suis égoïste à ce point, soupira-t-elle, ne lâchant pas son amie des yeux malgré la douleur de ses propres mots.»
Sidérée, Emmy resta silencieuse un instant. Elle s'était pris un coup phénoménal et n'arriva pas à croire qu'il venait d'Eva. La rousse pouvait être bornée, parfois sarcastique, oui, très égoïste pour certaines choses, souvent méchante, mais jamais encore Eva ne l'avait été avec elle. Pouvait-ce être Jamie qui la rendait plus forte individuellement? En tout cas, quelque chose était clairement différent chez elle, car jamais elle n'aurait été aussi loin dans ses mots en temps normal. Emmy voulut répliquer quelque chose, la raisonner, tuer pour se calmer, mais Eva soupira et ferma les yeux.
«─ Tu peux me lancer toutes les roches que tu veux, tu peux... aller le dire à qui tu voudras, je ne t'empêcherai pas, fit la rousse, baissant la tête. Je le mérite, toutefois, tu n'as pas l'air de réaliser que ça va beaucoup plus loin que seulement jouer un jeu. Je l'aime bien, vraiment, avoua Eva d'une voix qui s'évanouit dans la pièce sous l'émotion, plus que je ne le voudrais, malheureusement, déclara-t-elle faiblement.
─ Je n'argumenterai pas avec toi, ça ne donnera rien de toute façon, lança théâtralement la noiraude avec un mouvement de bras las. Fait ce que tu veux Eva, mais lorsque cette histoire finira mal, ne viens pas pleurer dans mes bras, prévint-elle en lui tournant le dos pour quitter la salle de bain.
─ Oh arrêtes, s'il te plait, s'exclama Eva après avoir échappé un rire froid, de nouveau en colère. Tu crois vraiment que je suis la seule ici qui va regretter ce qui se passe dans cette putain de ville? Crois-tu sincèrement te sortir de cette histoire indemne malgré le fait que, comme tu le dis si bien, tu le mérites mieux que moi? récapitula la rousse avec un rire dédaigneux. Tu n'as aucune idée dans quoi tu t'embarques si tu crois pouvoir passer ces deux semaines avec un gars aussi adorable et attentionné qu'Iwan et prendre l'avion sans ranc½ur, sans douleur, sans te sentir arrachée à ce que tu voudrais garder, fit remarquer la jeune femme, sa voix montant de plus en plus dans les aigus avant de pointer son amie d'un mouvement de bras. Tu dis que je suis malhonnête avec Jamie! T'es-tu seulement regardée? Tu es malhonnête avec toi-même, c'est encore pire. Je vais faire du mal à beaucoup de gens, oui, mais au moins j'en suis consciente, plaida la rousse avec passion. Tu ne le vois pas tout de suite et tu ne le verras qu'une fois à l'aéroport, quand il sera trop tard, que tu t'es attachée à lui, mais tu sais la meilleure dans tout ça, s'enquit-elle, soudainement très calme, c'est que ce jour-là, je serai là pour toi Em'. Je te prendrai dans mes bras, je te dirai que ça ira, je menacerai de faire exploser l'apocalypse dans son petit cul de gallois qui t'aura pris ta fierté, ton amour, ta virginité, tout, et je réussirai à te faire sourire l'espace de quelques secondes. Parce que peu importe ce que tu pourras faire, je serai derrière toi, que ce soit moral ou pas!»
Eva n'ajouta rien de plus, ayant fait le tour de la question. Elle n'avait pas mâché ses mots, elle en fut consciente, mais elle s'en moqua. Si elle devait faire mal à Emmy pour lui faire voir la vérité qu'elles s'enlisaient toutes les deux dans la situation, elle y était prête.
Elle vit des larmes dans les yeux d'Emmy qui ne bougea pas. Eva prit sa veste et son sac et s'arrêta devant la porte, la main sur la poignée. Elle inspira profondément pour reprendre le contrôle d'elle-même, puisque c'était ce qu'elle faisait de mieux, et lança un dernier regard à la noiraude.
«─ Je te vois tout à l'heure au théâtre, fit-elle simplement d'une voix où toute amertume et colère avaient disparues.»
Eva laissa la porte se fermer derrière elle et dévala les escaliers jusqu'à la sortie de l'auberge. La ville lui sembla horriblement grande et intimidante. Elle sortit son téléphone et profita du réseau de l'auberge pour envoyer un message à Iwan, lui disant de rejoindre Emmy à leur chambre. Elle ne pouvait laisser Emmy dans cet état et ne rien faire. Inspirant profondément, elle prit sur elle et marcha jusqu'à la gare Victoria et prit le métro jusqu'au quartier de Soho où tous les grands théâtres offraient les meilleures pièces du West End.
Dans la chambre, Emmy digéra lentement les paroles crues et directes de son amie. Elle ne se fâcha toutefois pas. Au fond d'elle, elle sut qu'Eva avait raison. Emmy n'avait pas voulu, elle ne le voulait toujours pas, voir à quel point elle s'attachait rapidement au jeune artiste avec qui elle avait passé la dernière nuit. Elle s'était refusée à penser que son départ les séparerait immanquablement. Lentement, elle s'assit sur le lit et ne put s'empêcher d'éclater en pleures. À peine dix minutes plus tard, on cogna à la porte de la chambre et Emmy exigea qu'on la laissa tranquille. Elle se redressa néanmoins lorsque la voix d'Iwan s'éleva, douce et amicale. Pinçant les lèvres, elle voulut se contrôler, mais en ouvrant la porte, elle éclata de nouveau en pleures. Constatant le pitoyable état dans lequel était sa belle maîtresse, il retint son souffle et la reçut dans ses bras pour la consoler. Il ne la jugea pas. Elle avait bien ses raisons et il serait de la meilleure aide possible, puisqu'elle en avait besoin. Il sentit la jeune femme secouée de sanglots et il la serra un peu plus. Peu lui importait ce qui la troublait à ce point, il s'en fichait éperdument.
Il déposa un doux baiser sur la tête de la noiraude et se recula légèrement pour rencontrer son regard. Ses yeux bouffis et rouges le regardèrent avant qu'Emmy ne baissa la tête.
«─ Veux-tu en parler? demanda gentiment Iwan.
─ Peut-être plus tard... répondit-elle en secouant la tête. Est-ce que... Est-ce qu'on peut rester comme ça juste un petit moment? demanda-t-elle, retenant en vain ses larmes.
─ Bien sûr, Emmy, lui dit-il sans poser plus de question.»
Il la serra de nouveau contre lui et ne put s'empêcher d'avoir mal pour elle lorsqu'il entendit ses gémissements étouffés contre son corps. Il fut pris au dépourvu, ne sachant plus quoi faire. Il était inutile comme jamais, ne se rendant pas compte que sa seule présence était suffisante à Emmy.
Consolant Emmy, Iwan réalisa qu'il s'était attaché à elle, bien que ce ne fut pas du tout dans ses intentions. Il avait voulu, au début, avoir du plaisir et profiter d'un moment simple avec une jeune femme tout aussi simple que lui. Le sexe n'avait pas été une option, ni même une importance. Elle l'avait fait sourire et vice versa, ce fut suffisant, toutefois, à cet instant précis, il se sentit impliqué dans quelque chose de plus important. Ce n'était plus qu'un moment au hasard, c'était un but, un besoin que d'être avec elle et la faire sourire de nouveau.
Il finit par se reculer de nouveau et essuya la tint contre lui, une larme qui coula sur sa joue rosie. Il l'observa en silence et même dans cet état qui la mit peu en valeur, il la trouva mignonne malgré tout. Son regard se fit tendre, éperdument épris de la touriste devant lui et il lui sourit simplement. Emmy tenta d'en faire de même, mais eut une moue exaspérée.
«─ Je suis désolée, soupira-t-elle en se prenant le front. J'ai complètement ruiné ton chandail à force de pleurer dessus, s'excusa-t-elle alors que l'homme riait.
─ Ce n'est pas bien grave. Un fois au lavage, il sera comme neuf, lui assura-t-il en haussant les épaules, laissant le silence s'installer. Ça va, chérie?
─ Je suppose que oui. Je me sens un peu mieux, renifla Emmy en détournant les yeux.
─ Si je peux aider un peu, lui dit-il en haussant les épaules.»
Elle lui sourit faiblement et Iwan passa un bras autour de ses épaules pour la rapprocher de lui. Lentement, le doute et la douleur dans les yeux d'Emmy s'évanouirent. Lorsqu'il la regarda de nouveau, il passa deux doigts sur sa joue, souriant un peu plus lui-même. Ils restèrent ainsi un moment, sans parler, sans ressasser les larmes qu'Emmy avait chassées de ses joues. Iwan était là et elle n'avait plus besoin de pleurer. Les larmes seraient pour plus tard, éventuellement, mais pas maintenant.
«─ Merci Iwan, lâcha la jeune femme après un moment. Merci d'être là. Je suis désolée que tu ais dû voir cela.
─ Tu n'as pas à t'excuser, lui assura-t-il avec un sourire. Je préfère savoir que j'ai été là au bon moment que de savoir que tu ais été toute seule. Tu veux que je te conduise jusqu'à Soho, lui demanda-t-il en pointant la porte, voyant l'heure passer.
─ Est-ce que cela t'embêterait, s'enquit la jeune femme, mal à l'aise. J'ai l'impression d'avoir déjà pris beaucoup de ton temps avec tous ces pleures.
─ Je ne le proposerais pas si je ne le voulais pas, fit-il avec un sourire en coin.»
Comment un homme, à lui tout seul, pouvait-il être aussi gentil et attentionné qu'Iwan? Comment ce genre de personne pouvait-elle encore exister dans cette société égoïste et individualiste? Emmy aurait voulu pleurer à nouveau tellement elle sentit son c½ur se noyer de chance. Elle se leva avec lui et alla prendre ses effets. En chemin, Iwan tourna la tête vers la noiraude et lui sourit.
«─ Tu as quelque chose après le spectacle? demanda-t-il timidement alors qu'Emmy secouait la tête.
─ Non, pas du tout, répondit la jeune femme, ne tenant pas compte de rien dans sa réponse. Pourquoi? voulut-elle savoir en penchant la tête, Iwan s'arrêtant devant le théâtre.
─ Je t'attendrai ici à la fin du spectacle, nous irons marcher un peu et se changer les idées, proposa-t-il avec un sourire convainquant.
─ Très bien dans ce cas, approuva Emmy en sortant de la voiture. Merci encore beaucoup Iwan. Je ne sais pas quoi dire de plus pour te montrer ma reconnaissance, lui dit-elle en inspirant profondément.
─ Tant que tu souris, tout le reste me va, fit-il simplement avant qu'Emmy ne ferma la porte.»
Emmy regarda la voiture d'Iwan disparaître sur la route. Elle observa alors le trottoir sur lequel elle était, puis leva les yeux sur l'enseigne lumineuse annonçant Miss Saigon. Un sourire étira les lèvres de la touriste et elle entra dans le théâtre, à la recherche de son amie. La dispute qu'elle avaient eue plus tôt lui sembla un peu superflue avec cette pièce qu'elle verrait. Elle trouva Eva assise à la deuxième ranger, le sac de la rousse sur le siège réservé pour son amie. Lorsqu'Emmy eut pris sa place, la rousse sourit en coin.
«─ Iwan est passé te voir? interrogea-t-elle, Emmy fronçant les sourcils un instant.
─ C'est toi qui l'a appelé, réalisa celle-ci en hochant la tête. Pourquoi cela ne me surprend pas de toi? ironisa-t-elle avant d'hocher la tête. Oui, il est venu me chercher et je repars avec lui après le spectacle!
─ Je me suis dit que peut-être... ça te ferait du bien de le voir, avoua Eva en lui lançant un regard gêné et coupable. Viens-tu toujours demain à Brighton? Joe a dit qu'il viendrait avec sa fille, ajouta-t-elle avec un doux sourire.»
Ce sourire, Emmy le connaissait bien. Evie-Grace et Jamie, c'était du bonheur en boîte pour Eva. Dès qu'il y avait un homme avec un enfant, Eva s'extasiait. La fille de Joe était une source de sourire pour la rousse depuis qu'elle connaissait cet homme par le biais des réseaux sociaux. L'enfant était mignonne et adorable, si attachante dans sa naïveté naturelle. Son oncle Jamie l'aimait inconditionnellement et de voir l'homme et l'enfant au même endroit, c'était signer l'arrêt de mort de la touriste. Emmy retint son sourire, voulant être sérieuse et toujours fâchée contre son amie.
«─ Bien sûr, j'y serai. C'est encore moi le garde du corps de tes fesses à ce que je sache, non? ajouta-t-elle, retenant toujours difficilement son sourire qui étira ses lèvres.»
Eva rigola. Elle ne cacha pas son sourire, pour sa part. Elle savait son amie encore vexée de ses paroles; elle le serait elle aussi. Cependant, elles passeraient toutes les deux par dessus.
«─ Évidemment que tu l'es toujours, admit la rousse en hochant la tête. Qu'arrivera-t-il si Jamie retire son chandail pour aller se baigner? Je vais perdre conscience et tu ne seras pas là pour me ventiler? demanda-t-elle en écarquillant les yeux de terreur.
─ Tu serais perdue sans moi, je le sais bien, ironisa Emmy en secouant la tête, ne pouvant s'empêcher plus longtemps de sourire.»
Eva eut un mouvement de tête pour lui concéder ce point. Elles étaient comme cela, à s'aimer et se taper sur les nerfs pour un oui ou un non. Comme le disait toujours la rousse, un ami, un vrai, ne te dira pas ce que tu veux entendre. Il te dira ce que tu dois entendre, que tu le veuilles ou non. L'amitié, c'était tout aussi chiant que l'amour, mais ça en valait la peine avec les bonnes personnes. Il suffisait de savoir choisir ses batailles pour bien gagner la guerre. Emmy ne lui tiendrait pas rigueur des mots qu'elle avait dit; elle savait qu'Eva ne les pensait pas, de toute façon. Son amie parlait très peu, mais lorsqu'elle le faisait, elle ne se censurait plus, étant parfois blessante dans ses vérités. Elle n'avait jamais su parler, seulement écrire, et cela avait ses défauts.
Les deux amies échangèrent un dernier regard avant que les lumières ne s'éteignirent et que le spectacle commença.
Miss Saigon leur détruit les émotions. Des cris, la guerre, l'amour et de l'émotion à profusion, très légèrement tinté d'humour par moment. Les chanson furent exquises, la performance des acteurs délicate et juste. Elles sortirent de la salle encore émotives, des larmes se voyant encore dans les yeux d'Eva, déçue que ce soit déjà terminé. Selon elle, ce genre de moment, il y en avait que trop peu, malheureusement.
Une fois dans la rue, Emmy trouva Iwan appuyé sur la carrosserie de sa voiture, bras croisés et sourire aux lèvres, comme il le lui avait promis. La jeune femme ne perdit pas de temps et déjà s'élançait pour le rejoindre, sourire aux lèvres, lorsque la main d'Eva lui attrapa le poignet.
«─ Em', commença-t-elle en penchant la tête sur le côté. Profites-en! Ce ne sont pas des moments qui se présentent souvent dans une vie, lui chuchota-t-elle avec un sourire avant de se détourner.»
Sans un mot de plus, elle se boucha les oreilles de ses écouteurs qui lui tiendraient compagnie le temps du retour. La regardant déjà s'éloigner, la noiraude eut le temps d'entendre son amie chantonner Don't Stop Believin', du groupe rock Journey. Elle la vit même exécuter quelques mouvements de la chorégraphie, venant de la comédie musical Rock Of Ages. Emmy eut un rire en secouant la tête; Eva ne changerait pour rien au monde.
Riant toujours, la noiraude rejoignit Iwan, qui lui tendit les bras. Ils se serrèrent l'un sur l'autre, l'odeur du gallois faisant défaillir le cerveau de la québécoise. Il était bon de sentir le corps d'un autre contre le sien, pensa la jeune femme, comprenant un autre aspect des relations amoureuses qu'Eva lui avait un jour mentionné. Cela faisait près de vingt-quatre heures qu'elle ne pensait qu'à cette dernière nuit où elle l'avait vu nu. Cela obnubilait ses pensées, revenait à chaque geste qu'elle faisait, pourtant, elle refusa d'en parler. En parler serait comme briser le rêve que ce moment précieux était dans ses pensées.
«─ Monte, j'ai quelque chose à te montrer, lui dit soudainement Iwan, la ramenant à la réalité.»
Lentement, elle poussa les couvertures pour se lever, mais son mouvement réveilla le gallois. Celui-ci tourna la tête et sourit, lui attrapant la main.
«─ Tu files en douce? fit-il en la tirant vers lui gentiment, faisant rire la noiraude qui se laissa faire.»
L'homme ne voulut rien en particulier, juste la tenir dans ses bras. Il lui demanda si elle avait bien dormi, se rendant compte qu'il avait passé une excellente nuit, comme il n'en avait pas eu depuis longtemps. Il n'avait pas eu une femme dans son lit depuis près de six mois et cela lui plut. Le sentiment était agréable. Ils restèrent couchés un instant, se réveillant convenablement. Pour Emmy, ce fut une drôle d'expérience, elle qui était toujours maussade et susceptible au matin, la présence d'Iwan lui mit un sourire aux lèvres.
Ils sortirent du lit à dix heures, prêts à commencer cette nouvelle journée. Quelle magnifique sensation pour Emmy que de se lever avec un homme. Tout lui sembla différent, comme si elle voyait avec ses propres yeux pour la première fois.
Puis, Iwan eut faim. Il regarda dans son frigo et eut une moue en se redressant pour regarder la jeune femme. Il proposa de sortir chercher Eva à l'auberge et aller manger tous les trois dans un petit restaurant de leur quartier. L'idée plut à Emmy qui hocha la tête, allant chercher ses effets dans la chambre du gallois. La noiraude sut pertinemment qu'Eva ne refuserait pas l'occasion de poser toutes les questions qu'elle devait avoir en tête depuis la veille. Forcément, elle les harcèlerait.
Il fallut dix minutes en voiture pour se rendre à l'auberge. Iwan savait ce qu'il faisait et où il devait aller, ce qui surprit un peu Emmy. Elle oubliait parfois que l'homme n'était pas un touriste comme elle, ce qui la fit rire. Après avoir trouvé un stationnement devant l'édifice, ils se rendirent à la chambre en riant de tout de rien; il était si facile pour Emmy de rire en présence d'Iwan. Ils eurent l'air, aux yeux des inconnus qu'ils croisèrent, d'amis de longue date, d'amis d'enfance. Il y avait une vraie connexion entre eux qui facilitait leurs rapports, quels qu'ils furent. Pour Iwan, cette connexion lui avait fait défaut avec les femmes dans les trois dernières années. Il avait eu de la difficulté à s'engager avec son travail et son mode de vie. Avec Emmy, c'était si simple. Pour celle-ci, elle remerciait le ciel d'avoir mit le gallois sur sa route. Il était rafraîchissant pour elle, différent de ce qu'elle connaissait de sa petite vie tranquille et bien rangée sans expérience.
Leur joie trouva le silence lorsqu'Emmy ouvrit la porte de la chambre. Eva dormait peut-être! Toutefois, la noiraude poussa une exclamation de surprise, reculant d'un pas lorsqu'elle croisa Jamie qui sortit de la salle de bain torse nu.
«─ Bon matin tous les deux, lança celui-ci joyeusement, souriant.
─ Qu'est-ce que tu fais tout nu dans ma chambre? s'exclama Emmy d'une voix étonnement calme, dévisageant le britannique qui ne cessa pas de sourire pour autant.
─ Je ne suis pas tout nu. Je porte des boxers, fit-il remarquer en pointant le sous-vêtement.
─ On dirait bien que nous ne sommes pas les seuls à avoir eu du plaisir hier soir, fit remarquer Iwan, souriant devant l'attitude si désinvolte de son ami.
─ Oh mon dieu! Qu'avez-vous fait? s'exclama Eva qui sortit précipitamment des toilettes à son tour.
─ Si tu penses t'en sortir comme ça, tu rêves, lança Emmy en secouant la tête.
─ Ce n'est pas parce qu'il est dans la chambre au matin que ça veut automatiquement dire que je me suis ouvert les jambes, avertit la rousse, son sourire un peu plus grand en s'approchant de son amie. Oh, je suis si fière de toi, félicita la rousse avec beaucoup trop de théâtralité, un sourire tendre et ému étirant ses lèvres alors qu'elle portait les mains à son c½ur.»
Iwan ne comprit pas ce qu'Eva dit à Emmy en français, toutefois, à voir comment Jamie regardait la rousse, il fronça les sourcils. N'avaient-ils rien fait cette nuit? Ils avaient pourtant dormi ensemble si l'homme était dans cette chambre à cette heure! Cela ne faisait aucun sens. Avec toute la tension qu'ils avaient dégagé au bar le premier soir, il avait cru qu'ils n'auraient besoin que d'être à l'abris des regards pour se sauter dessus et assouvir le fantasme qui se cachait dans leurs yeux! Et pourtant non? Cela n'eut pas de sens. Lorsqu'il avait sous la main une femme prête à lui faire vivre une nuit torride, Jamie ne disait jamais non. Il devenait un peu... vorace devant le plaisir. Pourquoi se retenir maintenant? Le gallois tourna alors la tête vers son ami, le pointant avant de pointer Eva.
«─ Vous n'avez rien fait? balbutia-t-il, rempli d'incompréhension.»
Pour toute réponse, Jamie secoua la tête avant de tourner les yeux sur Eva. La jeune femme tourna la tête vers lui et lui sourit en coin. L'homme le lui retourna et caressa sa main lorsqu'elle passa près de lui. Ce petit geste voulut dire bien plus qu'ils ne le pensèrent. Les choses étaient plus sérieuses qu'elles n'y parurent le premier soir. Iwan alterna le regard entre eux, réalisant qu'il avait sous les yeux quelque que Jamie n'avait pas vécu depuis bien longtemps. Pour Emmy, ce geste voulut dire tout le contraire. Eva n'avait toujours rien dit à Jamie. En gardant le silence, elle impliquait Jamie dans cette trahison dont il ne connaissait rien. Cela n'était pas correct, ni pour le britannique vu la façon dont il observait la québécoise, ni pour elle-même.
Soupirant en se forçant au silence, elle secoua la tête et alla prendre des vêtements propres. Depuis la salle de bain, la noiraude entendit son amant exposer son désir d'aller prendre un bon petit déjeuner tous ensemble. Jamie en fut ravi. Les deux hommes pourraient ainsi montrer aux deux touristes un peu plus intimement Londres et la cuisine britannique.
Cette sortie au restaurant fut agréable. Eva trouva de quoi bien se remplir la panse et en profita pour observer attentivement Iwan et Emmy. La chimie qui les rapprochait n'échappa pas à son attention. Le gallois n'eut d'yeux que pour la jeune femme. Celle-ci lui rendit chaque attention, prise avec les nouvelles envies charnelles dont son corps était victime. Les joies du sexe! Enfin, il y avait pour Emmy quelque chose de plus intéressant que son ordinateur et toutes ces histoires qu'elle lisait sans cesse. Elle vivait sa propre histoire qu'elle n'avait pas besoin d'écrire, ni imaginer. Rien n'aurait pu rendre Eva plus heureuse pour Emmy.
Celle-ci, dans le plus grand secrets, épia la rousse. Eva et Jamie se regardaient dans les yeux, leurs mains se cherchaient sous la table, leurs petites messes basses les faisaient chacun sourire. Emmy n'approuva pas, par principe moral, mais ce fut bien malgré elle qu'elle les trouva adorables. Comment Jamie avait-il pu se faire avoir aussi facilement par Eva. N'avait-il pas encore vu que la rousse était nocive? Elle avait cru qu'il aurait été plus perspicace, plus saint d'esprit qu'elle alors qu'en fait, c'était tout le contraire, il était pire et c'était ce qui les poussait un peu plus dans les bras de l'autre. Complètement irresponsable et particulièrement incroyable. Et Eva! Elle qui avait passé un peu plus de trois ans avec son copain à garder un contrôle d'elle-même exemplaire pour s'en sortir, au prix d'efforts surhumains, allait tout gâcher pour un petit plaisir de vacance! Pourquoi, Emmy se le demanda et ne trouva aucune réponse logique à cela.
À onze heures et quarante minutes, les quatre amis étaient devant le restaurant à parler de ce qu'ils feraient de leur journée. Le ciel était gris, un petit vent frais insistait sur les gens dans les rues. La chaleur de la veille s'était dissipée dans la nuit. Jamie demanda à la rousse si elle voulait retourner à l'auberge et passer la journée avec Emmy, ce à quoi Eva secoua la tête. Elle ne permettrait pas de priver son amie des bras d'Iwan tant qu'elle pourrait en profiter. Ce serait injuste, compte tenu qu'elle ne savait pas quand cette belle romance prendrait fin. Elles auraient l'occasion d'être seules ensemble plus tard. Après maintes discussions et insistance d'Eva, ils optèrent pour aller visiter le National Portrait Gallery, que la jeune femme n'eut pas le plaisir de voir la veille.
Pour s'y rendre, les deux londoniens payèrent le bus. De cette façon les touristes verraient un peu la ville sous un autre aspect que ses sous-terrains et son métro. Le froid s'en prit à Eva, qui se maudit en silence de n'avoir pris que des shorts à mettre, frissonnant et grelottant. Toutefois, elle trouva le moyen de s'extasier des attractions passant sous ses yeux dans les rues, lui donnant envie de tout essayer à la fois. Malheureusement, le froid se fit de nouveau insistant sur elle lorsqu'ils mirent pied à terre. Frissonnant de nouveau, elle secoua la tête et courut jusqu'à l'entrée, laissant derrière elle les trois autres qui prirent leur temps. Elle ne leur fit pas attention, se réfugiant dans le hall majestueux du musée. Son regard épousa les formes de l'architecture, se délectant déjà de cet endroit somptueux. Un homme vint à sa rencontre et lui proposa un guide audio pour la visite, toutefois, la touriste refusa, préférant vivre sa propre expérience. Elle pourrait bien trouver réponse à ses questions auprès de ses amis et vice versa, nota-t-elle pour elle-même.
La visite se fit dans le plaisir. Les pièces défilèrent, certaines furent passées rapidement, on s'attarda à d'autres. L'endroit était calme, silencieux. Il y avait une sorte de respect religieux pour l'histoire qui se dégageait de chaque toile. La folie du groupe détona amèrement dans cet endroit paisible. Ils y étaient pour avoir du plaisir, en dépit des regards qu'on leur lança à chaque salle.
Rapidement, les deux hommes remarquèrent l'amour des deux touristes pour l'art, la peinture, l'histoire, pour certain sujet en particulier. Ils virent Eva rester de longues minutes en admiration devant certaines toiles qu'elle avait étudiées à l'école comme Les époux Arnolfini de Jan van Eyck. Lorsque le gallois la rejoignit devant la toile, il lui demanda ce qu'elle observait avec tant d'attention. Elle lui répondit qu'elle regardait le peintre, sur la toile, ce qu'Iwan ne comprit pas vraiment. Alors qu'il fronçait les sourcils, la rousse lui montra un miroir dans la composition, dans lequel on pouvait voir, en regardant attentivement, le peintre de l'autre côté de la pièce. Iwan sourit en coin et lança un regard à Jamie, derrière, qui avait croisé les bras pour observer, non pas la toile, mais la jeune femme devant. Le gallois vit un peu de ce qui attirait tant Jamie chez elle.
À chaque nouvelle pièce, la rousse avait sous les yeux des années d'apprentissage et d'histoire, de techniques et de talents incroyables. Qu'est-ce qui pouvait rivaliser avec du Rembrandt? Y avait-il de plus belles couleurs que celle de Turner? Elle avait un sourire aux lèvres qui ne la lâchait plus et qui la faisait resplendir de bonheur. C'était un bonheur que le britannique l'accompagnant au pas voulut lui donner indéfiniment. Il se demanda si elle souriait ainsi dans sa vie de tous les jours. Non. Il se demanda si ses yeux brillaient ainsi lorsqu'elle regardait le monde autour d'elle au Québec. Trop peu souvent. À un certain point, Emmy se questionna à savoir si Eva resplendissait à ce point pour l'endroit qu'ils visitaient ou pour la présence de Jamie à ses côtés. Qu'arriverait-il s'il s'agissait effectivement de la présence de Jamie à la rendre ainsi? Que se passerait-il lorsqu'elle perdrait cette lumière dans son obscurité, lorsque l'homme quitterait son histoire pour continuer la sienne?
Ils allaient entrer dans une nouvelle salle lorsqu'Eva attrapa Jamie par la main. L'homme se laissa traîner dans un couloir, puis derrière une porte fermée, lorsque le gardien de sécurité regarda de l'autre côté. La jeune femme n'avait plus envie de faire semblant, elle ne voulait plus attendre. Elle avait besoin de le sentir, de le toucher d'une quelconque manière. Eva sourit voracement lorsqu'elle poussa l'homme contre le mur, l'embrassant chaudement dans le cou. Celui-ci releva la tête en soupirant de bien-être. Il sentit les mains de la rousse passer sous son chandail pour caresser son ventre. Dieu qu'elle jouait durement avec lui; il avait tellement envie de tout foutre en l'air et simplement la prendre contre ce mur. Au diable l'endroit, la tenue, les règles. Ces règles n'étaient bonnes qu'à réprimer ce qu'ils étaient vraiment. Il aurait pu se demander ce qu'il était, en fait, mais il fut trop occupé à attraper les mains d'Eva en secouant la tête.
«─ Tu vas avoir ma peau, femme! murmura-t-il, affrontant le regard de la rousse.»
La jeune femme pinça les lèvres, ravalant difficilement ses envies. Tous ses non-dits étaient vrais, ils devaient se contenir, encore un peu. Soupirant, elle se força à se calmer et le regarda dans les yeux.
«─ Bien sûr que non, voyons. Je n'oserais jamais, Monsieur, fit-elle en prononçant le dernier mot en français, souriante. Pardonnez-moi. Mon corps à prit le contrôle sur ma conscience. Cela n'arrivera plus, je vous le promets, s'excusa-t-elle habillement, lui lançant un regard diabolique qui créa chez le chanteur des envies encore plus impures.
─ Je te jure, si je pouvais, commença Jamie, ses yeux verts s'encrant dans ceux d'Eva avec trop de sérieux, je t'attacherais à mon lit pour te montrer qui de nous deux à le contrôle sur ton corps... murmura-t-il d'une voix grave.»
La rousse manqua d'air. Elle écarquilla les yeux et frissonna, manquant de gémir devant ce commentaire si indécent, si suggestif, alléchant. Si Jamie avait mieux connue le regard d'Eva, il y aurait vu autre chose que la surprise dû à son commentaire. Il y aurait vu la nervosité, la peur, l'anticipation briller. Elle ne se laissa pas pour autant impressionner. Elle réfléchit à toute vitesse pour garder son calme, sa désinvolture. Elle ne le laisserait pas voir qu'il la décontenançait, pas question!
«─ Tu deviens soudainement dépravé, constata-t-elle d'un air tout aussi sérieux que celui du britannique.
─ Tu ne me laisses pas vraiment le choix de le devenir... répondit le châtain en hochant la tête.
─ Je t'avais dit que j'étais une mauvaise personne, lui rappela la rousse avec l'ombre d'un sourire. D'ici la fin de cette journée, tu ne pourras plus t'en passer et tu seras aussi dépravé que je ne le suis.»
Elle secoua la tête lentement et se recula pour mettre de la distance entre leur corps. Toutefois, il l'attrapa par le poignet et la tira à lui de nouveau pour l'embrasser fougueusement. Il immisça sa langue dans la bouche de la rousse qui perdit son souffle un instant. La situation la poussa à poser les mains sur la ceinture du châtain, descendant pour caresser son entre-jambe. S'il voulait jouer, elle jouerait et encore mieux que lui. Elle se frotta contre lui avec un sourire jusqu'à ce qu'il ouvrit la bouche pour lâcher un gémissement. Satisfaite, la jeune femme se détourna rapidement et échappa à sa prise. Elle sourit très légèrement, essuyant le coin de ses lèvres, le souffle court. Jamie, toujours appuyé au mur, chercha son air, le c½ur palpitant, et secoua la tête à son tour avec un sourire. Il suivit les pas de la rousse, ne la lâchant pas des yeux, jusqu'à retrouver leurs amis deux salles plus loin. Emmy leur fit subitement face, légèrement hystérique.
«─ Où étiez-vous, bon sang? Cela fait quinze minutes que vous avez disparu, s'écria-t-elle en colère, attirant l'½il noir des gardiens de sécurité.
─ Nulle part. Nous explorions une autre pièce de ce côté, mentit Eva, déglutissant pour reprendre un rythme cardiaque normal, échangeant un regard avec Jamie.»
Le britannique approuva les dire de la rousse, bien qu'il sut pertinemment qu'Emmy ne les crut pas. Ses soupçons ne trouvèrent toutefois aucune réponse dans le comportement de son amie, ni celui de Jamie. Au contraire, ils semblèrent tous les deux plus avide que jamais. Ils n'auraient pu assouvir quoi que ce soit et encore se regarder avec autant d'envie. Avec Eva, on ne savait jamais, mais elle douta néanmoins.
Finalement, Emmy soupira et refusa de s'occuper de cette affaire. Qu'ils fassent ce qu'ils voulaient, cette journée en compagnie d'Iwan était trop belle et précieuse pour ne pas profiter des ½uvres d'arts, les vestiges de l'histoire qu'on avait recueillis pour les exposer. Elle fit des deux autres, laissant le temps passer jusqu'en fin d'après-midi. Lorsqu'Eva lui dit qu'il approchait seize heures, les deux touristes consentirent à couper court à leur visite. Elles devaient être au théâtre, dans le quartier de Soho avant dix-neuf heures trente pour la pièce musicale Miss Saigon. C'était une activité qu'elles avaient attendu avec impatience. Quel plaisir aurait-elle de voir une si belle production. Jamie et Iwan ayant déjà vu la pièce leur assurèrent que ce serait une belle expérience.
Les deux jeunes hommes les déposèrent donc à l'auberge à seize heures et huit minutes, leur souhaitant une bonne soirée. Toutefois, avant de les laisser, une conversation s'échangea sur une possible journée à Brighton le lendemain. La température semblait être clémente, ensoleillée, chaude. Après une simple discussion en français, les deux jeunes femmes s'avouèrent qu'une escale de deux jours serait intéressante avant de quitter pour le reste de leur voyage. Jamie proposa de leur réserver une chambre en soirée pendant qu'elles seraient au spectacle. Elles pourraient repartir de Brighton directement.
Tout fut organisé, comme Eva l'aimait, et dans le but qu'Emmy panique le moins possible. Les deux hommes repartirent et les deux amies s'enfermèrent dans leur chambre pour se préparer pour la soirée. Elles n'étaient pas en retard, mais elles n'avaient pas beaucoup de temps à perdre.
Eva chantonna avec légèreté jusqu'à la salle de bain, où elle brancha son fer plat. Elle était joyeuse, flottant de bonheur, un peu perdue dans son monde. Emmy l'observa avec une moue. Elle n'avait que rarement vu la rousse fredonner ainsi sa joie. La plupart du temps, cela avait un rapport avec les hommes qui faisaient délirer l'esprit de la jeune femme. Comme Jamie, le batteur du groupe Simple Plan ou encore Franis Fee, un jeune artiste irlandais vivant ici-même à Londres. Emmy voulut ne pas y penser et avoir une belle soirée, seulement, elle avait retenu pendant deux jours tout ce qu'elle avait sur la conscience. Elle venait de mettre son chandail lorsqu'elle rejoignit Eva à la salle de bain.
«─ Ok, je sais que ça ne me regarde pas, soupira la québécoise sans se retenir, mais je sais que tu me prends pour une épaisse depuis ce matin, s'exclama-t-elle un peu plus brusquement, prise de panique.
─ En effet, ça ne te regarde pas, rétorqua la rousse sans la regarder.
─ Je sais qu'il s'est passé quelque chose! Il a dormi ici, criss, grogna la jeune femme en forçant son amie à lui faire face.
─ Nous n'avons pas couché ensemble, plaida Eva avec sérieux.
─ Crois-tu que je ne sache pas ce que tu fais?
─ Je suppose que tu crois savoir ce que je fais, mais je doute beaucoup que tu le saches vraiment, oui, avoua Eva en fronçant les sourcils.
─ Si vous n'avez pas couché ensemble, c'est seulement parce que tu joues avec lui et il se prête au jeu. Mais tu sais quoi? C'est MAL, s'écria la noiraude de colère. Caliss, Eva, Julien t'attend au Québec. C'est injuste, pour lui comme pour Jamie parce qu'il va s'attacher à toi, lui aussi, si vous continuez. Tu vas tout lui dire et arrêter ça! exigea Emmy d'une voix dure.»
Eva resta silencieuse. Elle ne sembla pas être touchée par les mots de son amie. Ses émotions ne furent trahies que par son mouvement pour déposer son fer. Son regard était sur le plancher et elle réfléchissait. Bien sûr que ce qu'elle faisait à Jamie était mal. Il avait le droit de savoir dans quoi il s'embarquait et pourtant, Eva n'avait pas le courage de le lui dire. Elle savait que cela le décevrait et, pour une étrange raison, elle ne voulait pas le décevoir. Elle préférait encore vivre avec elle-même et tout le mal qu'elle ferait plutôt que de voir dans les yeux du britannique la douleur et la brisure de ce qu'ils avaient eu ces deux derniers jours. Alors de savoir que c'était mal, était-ce suffisant?
«─ Tu as raison... avoua la rousse en hochant la tête, rationalisant. C'est mal et ils auront tous les deux mal à un moment. Je le sais parce que J'AI mal de ce que je fais. Mais sérieusement, je... j'aime ce qui se passe parce que je le fais pour moi et personne d'autre, fit-elle en regardant son amie. J'ai écrit des centaines d'histoires et d'aventures qui feraient changer ma vie et celle que je vis maintenant est en tout meilleure, parce qu'il me résiste! s'exclama Eva en regardant de nouveau Emmy, les yeux brillants. Ce qu'il y a de plus beau, c'est qu'il pourrait ne rien se passer du tout. Je n'ai pas l'intention de mentir, avertit la jeune femme rapidement en se redressant, si le sujet est amené, si la situation va plus loin, oui, je lui dirai, mais je refuse d'abandonner et regretter de ne pas avoir vécu mon histoire jusqu'au bout, peu importe jusqu'où ça va, conclut la rousse avant de se recevoir une claque de la part d'Emmy.
─ FUCK! TU ES SUR LE POINT DE TROMPER TON CHUM! cria Emmy de rage en dévisageant son amie, sidérée. C'est mal! C'est supposé être fondamentalement mal ce que tu fais, Eva! accusa-t-elle, comme si soudainement elle aurait une révélation. Une chose, encore. Ça aussi, penses-y bien avant de mettre sa queue dans ta bouche! Dans moins de deux semaines, nous serons à des milliers de kilomètres d'ici. Eva! Tout ce qui se passera avec Jamie ne vaudra plus rien à l'aéroport, parce que tu ne le reverras plus jamais! explosa la jeune femme, à bout de voir Eva avec si peu de respect pour elle-même.
─ Tu crois que je ne le sais pas, demanda Eva, les mots d'Emmy lui brisant un peu plus le c½ur à chaque seconde, y ayant pensé chaque fois que Jamie l'avait regardée. Mais tu ne penses pas que cela vaudrait mieux de vivre chacun de ces instants à fond plutôt que de les nier? voulut-elle savoir, s'appuyant au lavabo pour contrôler ses mains qui tremblaient violemment.
─ Je ne peux pas croire que tu viens de dire ça, lança Emmy en écarquillant les yeux.
─ Merde, Em', c'est ma putain de vie que je joue en ce moment! s'écria Eva en serrant un peu plus le lavabo, levant les yeux pour la voir dans le miroir. J'ai pleinement conscience des conséquences! Tu crois que je n'y ai jamais pensé au moins une centaine de fois avant aujourd'hui? Tu penses peut-être que je n'ai jamais rencontré personne qui m'ait donné envie de m'abandonner à mes convictions plutôt que celles de Julien? s'exclama Eva, sentant la colère briser sa voix. J'ai vingt-trois ans, criss, s'exclama-t-elle brusquement en fronçant les sourcils et faisant face à la noiraude. Vingt-trois fucking années où j'ai toujours fait comme il faut, à me priver pour ne faire de mal à personne. J'ai toujours pensé aux autres avant moi au point de m'oublier complètement avant aujourd'hui. J'ai eu de la difficulté à savoir qui j'étais avant de passer du temps avec Jamie. Détestes-moi si tu le veux, fit-elle froidement en fronçant les sourcils. Tu as tous les droits de le faire, mais je m'en fou. Si toi tu te permets de revoir Iwan, je ne vois pas pourquoi je devrais me priver de Jamie, argumenta Eva, regrettant déjà les mots sortis de sa bouche.»
C'était bas de sa part d'utiliser le gallois comme argument pour justifier quoi que ce soit dans sa colère. Pour une fois qu'Emmy vivait une belle histoire, Eva ne pouvait pas la blâmer. Elle ne pouvait pas non plus comparer son histoire à la sienne, jamais. Seulement, il était sa seule défense. Ce n'était que la panique qui la faisait parler. Elle sut tout de suite que la rage d'Emmy ne serait que pire. Celle-ci la dévisagea, comme si elle venait d'être frappée à son tour.
«─ Tu es totalement déconnectée de la réalité, lâcha Emmy d'une voix trop calme. Tu sais très bien que ce qui se passe entre Iwan et moi est différent en tout point à ce qui se passe entre Jamie et toi. Ne t'avises surtout pas d'utiliser ça comme argument, menaça-t-elle froidement, serrant les poings alors que la rousse fronçait les sourcils.
─ Vraiment? C'est si différent, tu crois? répéta la touriste, haussant un sourcil. Je suis curieuse, expliques-moi cette si grande différence qui nous sépare, nargua-t-elle avec une moue faussement intéressée. Toi qui a passé ta vie à attendre le prince charmant et garder ta virginité pour le mec parfait, maintenant que tu es ici et que tu n'en as que pour Iwan parce qu'il t'a témoigné plus d'attention que les autres, tout est différent? Tu crois que parce que tu es une licorne, il n'y en a que pour toi? Que moi, je n'y ai pas droit? s'écria la jeune femme.
─ Tu n'as aucun droit de me dire que je ne mérite pas l'attention d'Iwan, explosa la noiraude en s'approchant d'Eva qui lui fit face. Il est l'homme le plus adorable que j'ai rencontré de ma vie, mignon et il m'apprécie! Moi! Si j'ai l'occasion de passer du temps avec Iwan, j'ai le droit d'en profiter, bien plus que toi avec Jamie.
─ J'ai, moi aussi, le droit de vivre. J'ai besoin de vivre quelque chose pour me prouver que je ne suis pas déjà en train de crever, plaida Eva, sa voix tremblante et le regard brillant d'une émotion particulière. Si tu dois finir vieille fille avec sept chats pour que je sois avec Jamie une journée de plus, oui, je sacrifierais ton bonheur, Em'. Je suis égoïste à ce point, soupira-t-elle, ne lâchant pas son amie des yeux malgré la douleur de ses propres mots.»
Sidérée, Emmy resta silencieuse un instant. Elle s'était pris un coup phénoménal et n'arriva pas à croire qu'il venait d'Eva. La rousse pouvait être bornée, parfois sarcastique, oui, très égoïste pour certaines choses, souvent méchante, mais jamais encore Eva ne l'avait été avec elle. Pouvait-ce être Jamie qui la rendait plus forte individuellement? En tout cas, quelque chose était clairement différent chez elle, car jamais elle n'aurait été aussi loin dans ses mots en temps normal. Emmy voulut répliquer quelque chose, la raisonner, tuer pour se calmer, mais Eva soupira et ferma les yeux.
«─ Tu peux me lancer toutes les roches que tu veux, tu peux... aller le dire à qui tu voudras, je ne t'empêcherai pas, fit la rousse, baissant la tête. Je le mérite, toutefois, tu n'as pas l'air de réaliser que ça va beaucoup plus loin que seulement jouer un jeu. Je l'aime bien, vraiment, avoua Eva d'une voix qui s'évanouit dans la pièce sous l'émotion, plus que je ne le voudrais, malheureusement, déclara-t-elle faiblement.
─ Je n'argumenterai pas avec toi, ça ne donnera rien de toute façon, lança théâtralement la noiraude avec un mouvement de bras las. Fait ce que tu veux Eva, mais lorsque cette histoire finira mal, ne viens pas pleurer dans mes bras, prévint-elle en lui tournant le dos pour quitter la salle de bain.
─ Oh arrêtes, s'il te plait, s'exclama Eva après avoir échappé un rire froid, de nouveau en colère. Tu crois vraiment que je suis la seule ici qui va regretter ce qui se passe dans cette putain de ville? Crois-tu sincèrement te sortir de cette histoire indemne malgré le fait que, comme tu le dis si bien, tu le mérites mieux que moi? récapitula la rousse avec un rire dédaigneux. Tu n'as aucune idée dans quoi tu t'embarques si tu crois pouvoir passer ces deux semaines avec un gars aussi adorable et attentionné qu'Iwan et prendre l'avion sans ranc½ur, sans douleur, sans te sentir arrachée à ce que tu voudrais garder, fit remarquer la jeune femme, sa voix montant de plus en plus dans les aigus avant de pointer son amie d'un mouvement de bras. Tu dis que je suis malhonnête avec Jamie! T'es-tu seulement regardée? Tu es malhonnête avec toi-même, c'est encore pire. Je vais faire du mal à beaucoup de gens, oui, mais au moins j'en suis consciente, plaida la rousse avec passion. Tu ne le vois pas tout de suite et tu ne le verras qu'une fois à l'aéroport, quand il sera trop tard, que tu t'es attachée à lui, mais tu sais la meilleure dans tout ça, s'enquit-elle, soudainement très calme, c'est que ce jour-là, je serai là pour toi Em'. Je te prendrai dans mes bras, je te dirai que ça ira, je menacerai de faire exploser l'apocalypse dans son petit cul de gallois qui t'aura pris ta fierté, ton amour, ta virginité, tout, et je réussirai à te faire sourire l'espace de quelques secondes. Parce que peu importe ce que tu pourras faire, je serai derrière toi, que ce soit moral ou pas!»
Eva n'ajouta rien de plus, ayant fait le tour de la question. Elle n'avait pas mâché ses mots, elle en fut consciente, mais elle s'en moqua. Si elle devait faire mal à Emmy pour lui faire voir la vérité qu'elles s'enlisaient toutes les deux dans la situation, elle y était prête.
Elle vit des larmes dans les yeux d'Emmy qui ne bougea pas. Eva prit sa veste et son sac et s'arrêta devant la porte, la main sur la poignée. Elle inspira profondément pour reprendre le contrôle d'elle-même, puisque c'était ce qu'elle faisait de mieux, et lança un dernier regard à la noiraude.
«─ Je te vois tout à l'heure au théâtre, fit-elle simplement d'une voix où toute amertume et colère avaient disparues.»
Eva laissa la porte se fermer derrière elle et dévala les escaliers jusqu'à la sortie de l'auberge. La ville lui sembla horriblement grande et intimidante. Elle sortit son téléphone et profita du réseau de l'auberge pour envoyer un message à Iwan, lui disant de rejoindre Emmy à leur chambre. Elle ne pouvait laisser Emmy dans cet état et ne rien faire. Inspirant profondément, elle prit sur elle et marcha jusqu'à la gare Victoria et prit le métro jusqu'au quartier de Soho où tous les grands théâtres offraient les meilleures pièces du West End.
Dans la chambre, Emmy digéra lentement les paroles crues et directes de son amie. Elle ne se fâcha toutefois pas. Au fond d'elle, elle sut qu'Eva avait raison. Emmy n'avait pas voulu, elle ne le voulait toujours pas, voir à quel point elle s'attachait rapidement au jeune artiste avec qui elle avait passé la dernière nuit. Elle s'était refusée à penser que son départ les séparerait immanquablement. Lentement, elle s'assit sur le lit et ne put s'empêcher d'éclater en pleures. À peine dix minutes plus tard, on cogna à la porte de la chambre et Emmy exigea qu'on la laissa tranquille. Elle se redressa néanmoins lorsque la voix d'Iwan s'éleva, douce et amicale. Pinçant les lèvres, elle voulut se contrôler, mais en ouvrant la porte, elle éclata de nouveau en pleures. Constatant le pitoyable état dans lequel était sa belle maîtresse, il retint son souffle et la reçut dans ses bras pour la consoler. Il ne la jugea pas. Elle avait bien ses raisons et il serait de la meilleure aide possible, puisqu'elle en avait besoin. Il sentit la jeune femme secouée de sanglots et il la serra un peu plus. Peu lui importait ce qui la troublait à ce point, il s'en fichait éperdument.
Il déposa un doux baiser sur la tête de la noiraude et se recula légèrement pour rencontrer son regard. Ses yeux bouffis et rouges le regardèrent avant qu'Emmy ne baissa la tête.
«─ Veux-tu en parler? demanda gentiment Iwan.
─ Peut-être plus tard... répondit-elle en secouant la tête. Est-ce que... Est-ce qu'on peut rester comme ça juste un petit moment? demanda-t-elle, retenant en vain ses larmes.
─ Bien sûr, Emmy, lui dit-il sans poser plus de question.»
Il la serra de nouveau contre lui et ne put s'empêcher d'avoir mal pour elle lorsqu'il entendit ses gémissements étouffés contre son corps. Il fut pris au dépourvu, ne sachant plus quoi faire. Il était inutile comme jamais, ne se rendant pas compte que sa seule présence était suffisante à Emmy.
Consolant Emmy, Iwan réalisa qu'il s'était attaché à elle, bien que ce ne fut pas du tout dans ses intentions. Il avait voulu, au début, avoir du plaisir et profiter d'un moment simple avec une jeune femme tout aussi simple que lui. Le sexe n'avait pas été une option, ni même une importance. Elle l'avait fait sourire et vice versa, ce fut suffisant, toutefois, à cet instant précis, il se sentit impliqué dans quelque chose de plus important. Ce n'était plus qu'un moment au hasard, c'était un but, un besoin que d'être avec elle et la faire sourire de nouveau.
Il finit par se reculer de nouveau et essuya la tint contre lui, une larme qui coula sur sa joue rosie. Il l'observa en silence et même dans cet état qui la mit peu en valeur, il la trouva mignonne malgré tout. Son regard se fit tendre, éperdument épris de la touriste devant lui et il lui sourit simplement. Emmy tenta d'en faire de même, mais eut une moue exaspérée.
«─ Je suis désolée, soupira-t-elle en se prenant le front. J'ai complètement ruiné ton chandail à force de pleurer dessus, s'excusa-t-elle alors que l'homme riait.
─ Ce n'est pas bien grave. Un fois au lavage, il sera comme neuf, lui assura-t-il en haussant les épaules, laissant le silence s'installer. Ça va, chérie?
─ Je suppose que oui. Je me sens un peu mieux, renifla Emmy en détournant les yeux.
─ Si je peux aider un peu, lui dit-il en haussant les épaules.»
Elle lui sourit faiblement et Iwan passa un bras autour de ses épaules pour la rapprocher de lui. Lentement, le doute et la douleur dans les yeux d'Emmy s'évanouirent. Lorsqu'il la regarda de nouveau, il passa deux doigts sur sa joue, souriant un peu plus lui-même. Ils restèrent ainsi un moment, sans parler, sans ressasser les larmes qu'Emmy avait chassées de ses joues. Iwan était là et elle n'avait plus besoin de pleurer. Les larmes seraient pour plus tard, éventuellement, mais pas maintenant.
«─ Merci Iwan, lâcha la jeune femme après un moment. Merci d'être là. Je suis désolée que tu ais dû voir cela.
─ Tu n'as pas à t'excuser, lui assura-t-il avec un sourire. Je préfère savoir que j'ai été là au bon moment que de savoir que tu ais été toute seule. Tu veux que je te conduise jusqu'à Soho, lui demanda-t-il en pointant la porte, voyant l'heure passer.
─ Est-ce que cela t'embêterait, s'enquit la jeune femme, mal à l'aise. J'ai l'impression d'avoir déjà pris beaucoup de ton temps avec tous ces pleures.
─ Je ne le proposerais pas si je ne le voulais pas, fit-il avec un sourire en coin.»
Comment un homme, à lui tout seul, pouvait-il être aussi gentil et attentionné qu'Iwan? Comment ce genre de personne pouvait-elle encore exister dans cette société égoïste et individualiste? Emmy aurait voulu pleurer à nouveau tellement elle sentit son c½ur se noyer de chance. Elle se leva avec lui et alla prendre ses effets. En chemin, Iwan tourna la tête vers la noiraude et lui sourit.
«─ Tu as quelque chose après le spectacle? demanda-t-il timidement alors qu'Emmy secouait la tête.
─ Non, pas du tout, répondit la jeune femme, ne tenant pas compte de rien dans sa réponse. Pourquoi? voulut-elle savoir en penchant la tête, Iwan s'arrêtant devant le théâtre.
─ Je t'attendrai ici à la fin du spectacle, nous irons marcher un peu et se changer les idées, proposa-t-il avec un sourire convainquant.
─ Très bien dans ce cas, approuva Emmy en sortant de la voiture. Merci encore beaucoup Iwan. Je ne sais pas quoi dire de plus pour te montrer ma reconnaissance, lui dit-elle en inspirant profondément.
─ Tant que tu souris, tout le reste me va, fit-il simplement avant qu'Emmy ne ferma la porte.»
Emmy regarda la voiture d'Iwan disparaître sur la route. Elle observa alors le trottoir sur lequel elle était, puis leva les yeux sur l'enseigne lumineuse annonçant Miss Saigon. Un sourire étira les lèvres de la touriste et elle entra dans le théâtre, à la recherche de son amie. La dispute qu'elle avaient eue plus tôt lui sembla un peu superflue avec cette pièce qu'elle verrait. Elle trouva Eva assise à la deuxième ranger, le sac de la rousse sur le siège réservé pour son amie. Lorsqu'Emmy eut pris sa place, la rousse sourit en coin.
«─ Iwan est passé te voir? interrogea-t-elle, Emmy fronçant les sourcils un instant.
─ C'est toi qui l'a appelé, réalisa celle-ci en hochant la tête. Pourquoi cela ne me surprend pas de toi? ironisa-t-elle avant d'hocher la tête. Oui, il est venu me chercher et je repars avec lui après le spectacle!
─ Je me suis dit que peut-être... ça te ferait du bien de le voir, avoua Eva en lui lançant un regard gêné et coupable. Viens-tu toujours demain à Brighton? Joe a dit qu'il viendrait avec sa fille, ajouta-t-elle avec un doux sourire.»
Ce sourire, Emmy le connaissait bien. Evie-Grace et Jamie, c'était du bonheur en boîte pour Eva. Dès qu'il y avait un homme avec un enfant, Eva s'extasiait. La fille de Joe était une source de sourire pour la rousse depuis qu'elle connaissait cet homme par le biais des réseaux sociaux. L'enfant était mignonne et adorable, si attachante dans sa naïveté naturelle. Son oncle Jamie l'aimait inconditionnellement et de voir l'homme et l'enfant au même endroit, c'était signer l'arrêt de mort de la touriste. Emmy retint son sourire, voulant être sérieuse et toujours fâchée contre son amie.
«─ Bien sûr, j'y serai. C'est encore moi le garde du corps de tes fesses à ce que je sache, non? ajouta-t-elle, retenant toujours difficilement son sourire qui étira ses lèvres.»
Eva rigola. Elle ne cacha pas son sourire, pour sa part. Elle savait son amie encore vexée de ses paroles; elle le serait elle aussi. Cependant, elles passeraient toutes les deux par dessus.
«─ Évidemment que tu l'es toujours, admit la rousse en hochant la tête. Qu'arrivera-t-il si Jamie retire son chandail pour aller se baigner? Je vais perdre conscience et tu ne seras pas là pour me ventiler? demanda-t-elle en écarquillant les yeux de terreur.
─ Tu serais perdue sans moi, je le sais bien, ironisa Emmy en secouant la tête, ne pouvant s'empêcher plus longtemps de sourire.»
Eva eut un mouvement de tête pour lui concéder ce point. Elles étaient comme cela, à s'aimer et se taper sur les nerfs pour un oui ou un non. Comme le disait toujours la rousse, un ami, un vrai, ne te dira pas ce que tu veux entendre. Il te dira ce que tu dois entendre, que tu le veuilles ou non. L'amitié, c'était tout aussi chiant que l'amour, mais ça en valait la peine avec les bonnes personnes. Il suffisait de savoir choisir ses batailles pour bien gagner la guerre. Emmy ne lui tiendrait pas rigueur des mots qu'elle avait dit; elle savait qu'Eva ne les pensait pas, de toute façon. Son amie parlait très peu, mais lorsqu'elle le faisait, elle ne se censurait plus, étant parfois blessante dans ses vérités. Elle n'avait jamais su parler, seulement écrire, et cela avait ses défauts.
Les deux amies échangèrent un dernier regard avant que les lumières ne s'éteignirent et que le spectacle commença.
Miss Saigon leur détruit les émotions. Des cris, la guerre, l'amour et de l'émotion à profusion, très légèrement tinté d'humour par moment. Les chanson furent exquises, la performance des acteurs délicate et juste. Elles sortirent de la salle encore émotives, des larmes se voyant encore dans les yeux d'Eva, déçue que ce soit déjà terminé. Selon elle, ce genre de moment, il y en avait que trop peu, malheureusement.
Une fois dans la rue, Emmy trouva Iwan appuyé sur la carrosserie de sa voiture, bras croisés et sourire aux lèvres, comme il le lui avait promis. La jeune femme ne perdit pas de temps et déjà s'élançait pour le rejoindre, sourire aux lèvres, lorsque la main d'Eva lui attrapa le poignet.
«─ Em', commença-t-elle en penchant la tête sur le côté. Profites-en! Ce ne sont pas des moments qui se présentent souvent dans une vie, lui chuchota-t-elle avec un sourire avant de se détourner.»
Sans un mot de plus, elle se boucha les oreilles de ses écouteurs qui lui tiendraient compagnie le temps du retour. La regardant déjà s'éloigner, la noiraude eut le temps d'entendre son amie chantonner Don't Stop Believin', du groupe rock Journey. Elle la vit même exécuter quelques mouvements de la chorégraphie, venant de la comédie musical Rock Of Ages. Emmy eut un rire en secouant la tête; Eva ne changerait pour rien au monde.
Riant toujours, la noiraude rejoignit Iwan, qui lui tendit les bras. Ils se serrèrent l'un sur l'autre, l'odeur du gallois faisant défaillir le cerveau de la québécoise. Il était bon de sentir le corps d'un autre contre le sien, pensa la jeune femme, comprenant un autre aspect des relations amoureuses qu'Eva lui avait un jour mentionné. Cela faisait près de vingt-quatre heures qu'elle ne pensait qu'à cette dernière nuit où elle l'avait vu nu. Cela obnubilait ses pensées, revenait à chaque geste qu'elle faisait, pourtant, elle refusa d'en parler. En parler serait comme briser le rêve que ce moment précieux était dans ses pensées.
«─ Monte, j'ai quelque chose à te montrer, lui dit soudainement Iwan, la ramenant à la réalité.»
-Ophélie-
Ohhh oui, bien de l'information ici. Déjà, une belle dispute entre Emmy et Eva! Qui des deux à le plus raison à votre avis?
De quel côté vous situez-vous dans cette situation? Même moi, je me demande laquelle des deux est plus terre à terre que l'autre par rapport à ce qui se passe!
Emmy se cache-t-elle encore de la vérité? Iwan s'enfoncera-t-il plus loin dans cette relation, lui qui ne voulait même pas s'attacher au début?
Avez-vous déjà fait comme Eva dit le faire, s'effacer au profil des autres et oublier de vivre pour vous-même?
Comment se sortir de ça? Est-ce une bonne «excuse» sur sa conduite avec Jamie?
Qu'arriverait-il s'il s'agissait effectivement de la présence de Jamie à rendre Eva ainsi?
Eva qui est une mauvaise influence sur Jamie, vous y croyez? Que dire de ce que l'homme lui a dit au musée, de l'attacher et tout?
(bon, j'ai l'impression que les commentaires de 50 shades of grey vont fuser alors que je connais pas l'histoire... Enfin)
Eva est-elle nocive pour Jamie? Qu'avez-vous à dire de ce cruel jeu auquel ils se donnent au musée? Est-ce saint?
De quel côté vous situez-vous dans cette situation? Même moi, je me demande laquelle des deux est plus terre à terre que l'autre par rapport à ce qui se passe!
Emmy se cache-t-elle encore de la vérité? Iwan s'enfoncera-t-il plus loin dans cette relation, lui qui ne voulait même pas s'attacher au début?
Avez-vous déjà fait comme Eva dit le faire, s'effacer au profil des autres et oublier de vivre pour vous-même?
Comment se sortir de ça? Est-ce une bonne «excuse» sur sa conduite avec Jamie?
Qu'arriverait-il s'il s'agissait effectivement de la présence de Jamie à rendre Eva ainsi?
Eva qui est une mauvaise influence sur Jamie, vous y croyez? Que dire de ce que l'homme lui a dit au musée, de l'attacher et tout?
(bon, j'ai l'impression que les commentaires de 50 shades of grey vont fuser alors que je connais pas l'histoire... Enfin)
Eva est-elle nocive pour Jamie? Qu'avez-vous à dire de ce cruel jeu auquel ils se donnent au musée? Est-ce saint?