
Cette première semaine à Londres fut pour Emmy une immersion dans l'univers qu'était devenu la vie de son amie. L'immersion dans une vie britannique, dans un mode de vie bien différent du sien, avec un rythme particulier et un horaire chamboulé. Déjà, une journée dans la vie de la rousse n'avait rien de simple. Lorsqu'Emmy suivit Eva, elles partirent de l'appartement en avant-midi pour un cours de français que la rousse donnait dans un bureau du centre-ville. Quinze minutes après ce cours, elles devaient être à Southwark pour un rendez-vous d'affaire avec la maison d'édition d'Eva. Il fut question de droit cinématographique pour son livre lors de ce rendez-vous. Emmy peina à suivre toutes les directions que prit la conversation, mais elle comprit qu'Eva refusait de vendre son oeuvre sauf sous certaines contraintes. Les négociations trouvèrent un cul-de-sac. Les deux amies quittèrent l'édifice passé une heure trente de l'après-midi.
Après quoi, elles furent libre jusqu'à cinq heures du soir. Eva mena donc son amie à la foire alimentaire de Soho. C'était un endroit très vivant, les agriculteurs et éleveurs des alentours de Londres se réunissant pour exposer leurs produits au public. Eva fit quelques courses, mais ne resta pas indéfiniment, les odeurs se confrontant lui donnant mal au c½ur. Avant de ramener Emmy à la maison, les deux amies s'arrêtèrent dans une institution bancaire. Là, Eva eut un rendez-vous dans les jours suivants avec une conseillère de prêts. Elle refusa d'expliquer les raisons de ce rendez-vous à Emmy. À la suite de quoi, elles retournèrent à l'appartement. Eva dût se rendre à l'Université pour donner son cours de littérature. Jamie revint entre-temps d'une répétition et s'enferma dans son bureau. Eva revint à la maison passé huit heures du soir, Jamie étant toujours au bureau. Il se joint aux deux amies pour faire la vaisselle pendant que la rousse faisait à manger.
Emmy manqua de s'étouffer lorsqu'on lui dit qu'il y avait des journées plus chargées encore. Il arrivait parfois que le couple ne se voit pas pendant deux jours dû à leurs horaires particulièrement bouqués et compliqués. Le bel appartement qu'ils avaient, la situation financière à l'aise et leurs nombreux projets avaient un prix qu'ils payaient volontiers. À l'inverse, ils pouvaient profité de plusieurs semaines à ne rien faire, sans le moindre engagement. Et ce fut lors d'un de ces moments qu'Emmy fit son immersion dans une vie de couple dans laquelle elle n'avait encore jamais vue Eva.
«─ C'est vrai, excuses-moi, ton comportement me fait oublier que tu approches la trentaine.
─ Enfant de pute, lâcha sournoisement la rousse.
─ Qu'est-ce que tu viens de dire? Je comprends rien quand tu marmonnes.
─ Je t'ai dit me manger ma marde, gros enfoiré, cria Eva avec exagération d'une voix tranchante, sa langue maternelle prenant le dessus. Tu en veux d'autres peut-être? Tu devrais penser à te prostituer un peu, on aurait la paix ici dedans!
─ Entre toi pi moi, la meilleure pour se prostituer, ça serait toi, cracha Jamie, dans un français qui imitait le québécois à la perfection. Tu as le profil de l'emploi et des antécédents s'ils ont besoin de références, ajouta-t-il avec un sourire froid.
─ Tu peux bien crever dans ta marde gros chien sale, grogna la jeune femme en retournant à l'anglais avec dédain. De toute façon, vendre ton corps serait déjà plus intéressant que tes shows de marde.
─ Il faut bien qu'un de nous deux paie les factures.
─ Oh mon dieu! Pardon? C'est moi qui fais plus d'argents de nous deux pour combler les mois où tu as rien à te mettre dans les poches gros lâche!»
Eva et Jamie, dans toute leur beauté. Une dispute de plus, encore. Une parmi tant d'autres... Et pourtant l'une des plus tendre qu'Emmy eut le déplaisir de voir. La noiraude n'arriva pas, la plupart du temps, à se souvenir de ce qui déclenchait les disputes. Eva trop susceptible, Jamie s'étant levé du mauvais pied. Un rien. Son amie était difficile à vivre, elle le savait, mais jamais elle ne l'avait vue aussi féroce. Il sembla que le couple passait son temps à se crier dessus lorsqu'ils étaient ensemble, se battre férocement pour garder son intégrité et sa fierté.
En cinq jours, il y eut sept disputes; trois d'entres elles semblèrent irréversibles. Des cris, des insultes bien senties et froides, le sarcasme haineux typique et sanglant de la rousse, l'arrogance imbue du britannique. Il était dur avec elle, il la poussait avec voracité dans ses retranchements et elle ne se débattait qu'avec encore plus de rage. Il ne l'épargnait de rien, d'aucunes pensés, aussi blessantes furent-elle. La présence d'Eva avait ce don de faire parler Jamie plus vite que sa pensée. Elle le rendait fou d'être exaspérante et agaçante. Il en perdait son contrôle normalement exemplaire.
Souvent, Eva finit en larmes de colère, Jamie claqua beaucoup de porte, des objets furent lancés, mais jamais ces moments restèrent dans la froideur. Emmy fut surprise de voir Jamie réussir à sourire de nouveau malgré la rage dans ses yeux lorsqu'ils se disputèrent. Chaque fois, Eva revint vers son fiancé, s'asseyant sur ses genoux en appuyant la tête contre la sienne et l'embrassant sur la tempe. Jamie se glissa toujours derrière elle pour l'entourer de ses bras et la serrer doucement. Un sourire radieux éclatait instantanément sur les lèvres de la jeune femme.
C'était leur propre façon de se dire qu'ils étaient désolés. Jamais Eva ne s'excusa, même lorsqu'elle aurait dû. Elle aimait Jamie trop fort, trop désespérément, pour cela. Et lui non plus ne s'excusa jamais, respectant trop Eva pour lui imposer cela. Là-dessus, ils se comprenaient bien et s'accordaient comme la chaussure au pied de Cendrillon.
Emmy fut témoin de l'amour dysfonctionnel et improbable que se portaient le britannique et la québécoise, de ce couple dont rien n'était censé retenir ensemble, mais qui, pourtant, ne pouvait s'empêcher de toujours revenir l'un à l'autre. Plus les jours passèrent, plus l'invitée vit dans le regard de Jamie à quel point il avait un besoin indispensable d'être avec Eva. Il ne mentait pas lorsqu'il disait qu'il ne se voyait plus sans elle, qu'il serait perdu si elle partait. Lorsqu'il voyait cette fille passer près de lui, c'était un frisson qui le faisait frémir d'envie et de bonheur, c'était un feu d'artifice qui éclairait son regard devant la chance qu'il avait qu'elle fut si près de lui.
La noiraude vit aussi l'épanouissement d'Eva, combien son quotidien, enfin, lui suffisait avec un sourire du chanteur, d'un touché, et rien de plus. Elle croyait toujours qu'ils ne méritaient pas du tout d'être ensemble. Ils avaient volé le bonheur de trop de gens autour d'eux pour gagner le leur... mais ils s'aimaient tant, si fort, qu'elle comprit pourquoi ils avaient sacrifié autant. Elle comprit que cela n'avait pas vraiment été un choix, ni pour l'un ni pour l'autre. S'ils s'étaient séparés ce jour-là à l'aéroport, jamais ils n'auraient retrouvé ce bonheur laissé derrière. Il y aurait toujours eu un vide impossible à satisfaire. Cela en valait la peine.
Sous un autre angle, son immersion se fit de façon très personnel. Elle n'avait aucune attache et profita de sa liberté pour voir la ville sous son propre oeil. Sans l'aide d'Iwan, elle n'aurait probablement vu que l'appartement de son amie et les endroits qu'elle lui montra. Le gallois profita de ses moments libres pour renouveler ses avances envers Emmy, toutes plus ou moins subtiles, qu'on se le dise. Bien qu'elle ne lui offrit plus le plaisir de l'intimité qu'ils avaient eu chez Eva, il profita de chaque moment en sa compagnie, un peu plus déchiré devant l'indifférence de la noiraude.
Pour compenser, il la traîna d'un bar à un pub entre les soirées avec ses amis.
La seule obligation d'Emmy fut d'essayer sa robe en présence d'Eva, robe qu'elle adora, comme prévu. Simple, mais très appropriée.
Mercredi, les invités d'outremer arrivèrent en un morceau et prêts à tout. Les futurs mariés passèrent une journée d'enfer à diriger et s'occuper de tout le monde.
D'abord, on alla porter la famille de la rousse à Brighton, chez les parents de son futur mari. Légèrement inquiète, la jeune femme tint à s'y rendre pour s'assurer que sa grand-mère ne manquerait de rien, que sa mère ne tuerait personne et que son beau-père saurait vivre en public. À la grande surprise d'Eva, sa mère et le père de Jamie fraternisèrent rapidement, ayant tous les deux le même passé de jeunesse. Peut-être que tout se passerait bien finalement.
Le frère de la rousse devait, dans le plan initial, rester à Brighton, seulement, Eva le ramena avec elle, refusant de se défaire de sa moitié. Elle avait si peu d'occasion de l'avoir avec elle, elle ne s'en déferait pas si facilement.
Ensuite, le couple rejoignit les cinq amis de la rousse. Ils déposèrent Marie-Ève et Keven chez Joe. Les deux amis furent à peine arrivés qu'Evie-Grace tomba instantanément sous le charme du grand militaire. Jamie trouva la scène plutôt adorable entre sa nièce de neuf ans tout juste et l'homme près de la quarantaine. Déjà père de trois enfants, il n'eut aucune difficulté à s'occuper d'elle. Il avait toujours été charmeur, Evie-Grace n'échappa pas à son charme naturel. S'assurant que tous les trois s'en sortiraient bien, le couple se sépara.
Jamie amena son beau-frère manger et Eva alla porter Catherine, Joanie et Maxime chez Rich. Ne sachant pas trop à quoi s'attendre avec ce dernier, la rousse préférait prendre les choses en mains. Elle ne fut pas surprise de voir Maxime déjà fraterniser en terme de jeux vidéos. Les deux hommes s'entendraient bien. Joanie n'eut rien à redire tant qu'elle pourrait aller au National Portrait Gallery. Catherine, toutefois, surprit la future mariée. L'amie de la rousse avait déjà rencontré Rich lors de quelques voyages passés. Eva avait toujours su que l'homme lui plaisait, sans comprendre pourquoi, mais à ce moment, elle vit Rich retourner l'intérêt de Catherine. Il lui souriait comme un adolescent, il s'accordait au caractère plus posé de la québécoise. À l'inverse, celle-ci s'emportait facilement au contact de Rich, trop survolté. C'était un bon dosage pour l'un comme pour l'autre... Catherine n'avait pas encore ouvert sa valise qu'elle s'occupait déjà à faire des pâtisseries et que Rich sortait la planche de Monopoly. Ils se complétaient bien, étrangement.
Avec beaucoup de temps libre, et voyant la date du mariage arriver à grand pas, les amies d'Eva voulurent organiser son enterrement de vie de jeune fille. Marie-Ève et Joanie pensèrent à une soirée dans un club de danseur, peut-être. Une virée à Paris, pourquoi pas, fut l'idée de Catherine. Par contre, la future mariée ne désira qu'une chose, presque trop banale pour la lui refuser. Une simple journée sous le soleil de Brighton. La belle température s'annonça au rendez-vous, Joanie et Marie-Ève n'avaient encore jamais vu cette ville et Catherine rêvait d'y retourner depuis sa dernière visite. Ce fut décidé.
Deux jours avant la date, toutes les cinq se retrouvèrent entre filles à se pavaner en maillot sous les regards des britanniques. Emmy adora cette journée. Enfin un peu de distraction, la paix des hommes et des responsabilités.
Il n'y eut pas de folies à Brighton; quelques hommes vinrent à elles, mais tous furent retournés. Eva et Joanie étaient déjà comblées. Les deux célibataires, quant à elles, ne voulurent pas se faire embrumer l'esprit en cette journée de réjouissance. De plus, elles avaient chacune jeté leur dévolu sur un autre britannique. Catherine et Richard étaient sortis deux fois, en à peine deux jours, ce qui s'annonçait plutôt bien selon les deux partis de cette histoire, lui racontant tout à Jamie, elle à Eva. Marie-Ève, pour sa part, avait parlé à Eva d'un des amis de Jamie avec les joues rouges et les yeux fuyants. Peut-être la belle québécoise pourrait-elle apporter du changement dans le cercle du couple. Eva croisa les doigts, se donnant pour mission de travailler sur le sujet. Puis, il y eut Emmy qui n'eut rien à faire des hommes, comme à son habitude. Elle ne pensa, pour sa part, qu'à une chose; l'homme mystère qui l'accompagnerait au mariage.
Il fut mit au clair qu'Iwan ne serait pas son cavalier. Eva s'en était assurée et lui réservait la surprise. Bien malgré tous les efforts de la new yorkaise à le découvrir, tout le monde garda le secret. Elle se dit qu'étant demoiselle d'honneur, son cavalier serait un des garçons d'honneur, seulement, Joe et Simon n'avaient rien d'une surprise pour elle. Rich présiderait la cérémonie, alors ce ne pouvait pas être lui et, bien qu'elle admettait que l'homme avait du charme, il n'était pas un cavalier qu'elle considérait. Elle passa la semaine à fouiller dans les papiers d'Eva pour trouver un nom qui pourrait répondre à ses interrogations, sans résultat. Ce jour-là, le questionnement fut mis de côté pour se préoccuper de la plage et du soleil, les petits galets et l'eau de la mer qui chantait à ses oreilles. Il n'y eut rien de plus agréable à ce moment.
Au lendemain de cette belle journée de soleil à Brighton, tous se retrouvèrent au manoir de Arley Hall pour le souper de répétition.
Oui, Eva et Jamie s'y mariaient. La rousse n'avait pas oublié cet endroit, ces jardins et la beauté féerique du domaine qu'elle avait visité avec Emmy et Iwan il y avait cinq ans. Lorsqu'elle avait quelque chose en tête, il était difficile de le lui faire oublier.
Dans la journée, Emmy admira la monstruosité des préparatifs de dernière minute. La salle, le jardin, l'autel, les v½ux, les réservations de chambres, le traiteur, le DJ, les fleurs. Avait-on la robe d'Eva? Non! Celle-ci était restée sur le support près de la porte d'entrée de son appartement, à Londres. Ce fut Keven qui s'en chargea. Il revint près de deux heures plus tard avec la robe dans son enveloppe opaque, Eva légèrement soulagée. Avait-on fait attention à l'allergie chronique aux arachides de Cordelia? Oui, le traiteur avait revérifié toutes ses recettes deux fois plutôt qu'une. Avait-on ajouté la demande spéciale de Laura Jane sur la playlist du DJ? Non, mais ce serait fait avant la fin de l'avant-midi.
Toute la journée, Emmy croisa des visages familiers comme Killian Donnelly, Lily James ou encore Francis Fee. Elle n'eut toutefois pas l'occasion de les aborder, chacun trop occupé à ses propres préparatifs. Il y avait tant de gens qu'Emmy aurait voulu voir, avec qui parler, toutefois, elle remit ses envies au lendemain, après la cérémonie. Les problèmes n'étaient pas terminés. La pluie qui tomba toute la journée fit monter la tension. Que faire si cette horrible pluie ne cessait pas? En cas de besoin, on pourrait faire la cérémonie dans un salon du manoir.
Les futurs mariés se montrèrent exemplaires. Jamie resta calme aux yeux de tous, bien que ses petites manies le trahirent. Il avait peur. Eva, pour sa part, resta silencieusement inquiétante. Il n'y eut qu'en présence de Keven, Marie-Ève ou son frère qu'elle put sourire et retrouver un semblant d'humanité. Elle ne parla vraiment qu'au souper de répétition avec ses invités. Entourée des visages qu'elle appréciait, la rousse se détendit un peu. À ce point, il n'y avait plus rien qu'elle pouvait faire pour son mariage qui ne fut pas déjà fait dans la journée. Le couple en eut un peu moins sur les épaules. Encore une nuit, et ce serait le grand jour.
Puis, la nuit tomba. Les petites goûtes de pluie résonnant contre les fenêtres du manoir bercèrent la rousse en compagnie de son frère et sa mère, tous les trois dans le lit de la future mariée. Pour un moment, la mère berça ses deux grands enfants sentant le besoin de retrouver la protection maternelle qu'elle leur avait toujours donnée. Car, sous peu, l'aînée de la famille franchirait le seuil d'une porte qu'aucun d'eux n'avait encore franchie. Eva serait toute seule dans cette aventure.
«─ Maman, commença Eva d'une petite voix, j'ai peur...
─ Tu as peur de quoi? s'enquit la mère d'une voix dure, comme si le doute n'avait jamais été une option dans cette histoire.
─ J'ai peur de faire une erreur, j'ai peur qu'il se lasse, j'ai peur de me lasser moi-même, répondit sa fille, les yeux posés sur ses mains. J'ai peur de m'ennuyer de toi, de Raph, de Marc, j'ai peur d'avoir un enfant toute seule, j'ai peur de faire les mauvais choix.
─ Arrêtes de t'en faire. Si tu fais vraiment des erreurs, tu feras les mêmes que lui. Au moins tu seras pas toute seule. Je ne pense pas que Jamie te laisse de si tôt parce que vous avez quelques petits problèmes, rassura Sophie d'une voix un peu plus douce alors que des larmes coulaient des joues de sa fille. Pauvre petite puce...»
Doucement, la mère passa la main dans les cheveux de sa fille. Raphaël prit la main de sa s½ur doucement et la serra. Leur regard se croisa et Eva eut un faible sourire avant que Raph ne rigola vraiment. Le frère et la s½ur rirent ensemble, sans savoir pourquoi vraiment. Ils en avaient simplement besoin pour qu'Eva arrêta de se torturer l'esprit.
Après quoi, elles furent libre jusqu'à cinq heures du soir. Eva mena donc son amie à la foire alimentaire de Soho. C'était un endroit très vivant, les agriculteurs et éleveurs des alentours de Londres se réunissant pour exposer leurs produits au public. Eva fit quelques courses, mais ne resta pas indéfiniment, les odeurs se confrontant lui donnant mal au c½ur. Avant de ramener Emmy à la maison, les deux amies s'arrêtèrent dans une institution bancaire. Là, Eva eut un rendez-vous dans les jours suivants avec une conseillère de prêts. Elle refusa d'expliquer les raisons de ce rendez-vous à Emmy. À la suite de quoi, elles retournèrent à l'appartement. Eva dût se rendre à l'Université pour donner son cours de littérature. Jamie revint entre-temps d'une répétition et s'enferma dans son bureau. Eva revint à la maison passé huit heures du soir, Jamie étant toujours au bureau. Il se joint aux deux amies pour faire la vaisselle pendant que la rousse faisait à manger.
Emmy manqua de s'étouffer lorsqu'on lui dit qu'il y avait des journées plus chargées encore. Il arrivait parfois que le couple ne se voit pas pendant deux jours dû à leurs horaires particulièrement bouqués et compliqués. Le bel appartement qu'ils avaient, la situation financière à l'aise et leurs nombreux projets avaient un prix qu'ils payaient volontiers. À l'inverse, ils pouvaient profité de plusieurs semaines à ne rien faire, sans le moindre engagement. Et ce fut lors d'un de ces moments qu'Emmy fit son immersion dans une vie de couple dans laquelle elle n'avait encore jamais vue Eva.
«─ C'est vrai, excuses-moi, ton comportement me fait oublier que tu approches la trentaine.
─ Enfant de pute, lâcha sournoisement la rousse.
─ Qu'est-ce que tu viens de dire? Je comprends rien quand tu marmonnes.
─ Je t'ai dit me manger ma marde, gros enfoiré, cria Eva avec exagération d'une voix tranchante, sa langue maternelle prenant le dessus. Tu en veux d'autres peut-être? Tu devrais penser à te prostituer un peu, on aurait la paix ici dedans!
─ Entre toi pi moi, la meilleure pour se prostituer, ça serait toi, cracha Jamie, dans un français qui imitait le québécois à la perfection. Tu as le profil de l'emploi et des antécédents s'ils ont besoin de références, ajouta-t-il avec un sourire froid.
─ Tu peux bien crever dans ta marde gros chien sale, grogna la jeune femme en retournant à l'anglais avec dédain. De toute façon, vendre ton corps serait déjà plus intéressant que tes shows de marde.
─ Il faut bien qu'un de nous deux paie les factures.
─ Oh mon dieu! Pardon? C'est moi qui fais plus d'argents de nous deux pour combler les mois où tu as rien à te mettre dans les poches gros lâche!»
Eva et Jamie, dans toute leur beauté. Une dispute de plus, encore. Une parmi tant d'autres... Et pourtant l'une des plus tendre qu'Emmy eut le déplaisir de voir. La noiraude n'arriva pas, la plupart du temps, à se souvenir de ce qui déclenchait les disputes. Eva trop susceptible, Jamie s'étant levé du mauvais pied. Un rien. Son amie était difficile à vivre, elle le savait, mais jamais elle ne l'avait vue aussi féroce. Il sembla que le couple passait son temps à se crier dessus lorsqu'ils étaient ensemble, se battre férocement pour garder son intégrité et sa fierté.
En cinq jours, il y eut sept disputes; trois d'entres elles semblèrent irréversibles. Des cris, des insultes bien senties et froides, le sarcasme haineux typique et sanglant de la rousse, l'arrogance imbue du britannique. Il était dur avec elle, il la poussait avec voracité dans ses retranchements et elle ne se débattait qu'avec encore plus de rage. Il ne l'épargnait de rien, d'aucunes pensés, aussi blessantes furent-elle. La présence d'Eva avait ce don de faire parler Jamie plus vite que sa pensée. Elle le rendait fou d'être exaspérante et agaçante. Il en perdait son contrôle normalement exemplaire.
Souvent, Eva finit en larmes de colère, Jamie claqua beaucoup de porte, des objets furent lancés, mais jamais ces moments restèrent dans la froideur. Emmy fut surprise de voir Jamie réussir à sourire de nouveau malgré la rage dans ses yeux lorsqu'ils se disputèrent. Chaque fois, Eva revint vers son fiancé, s'asseyant sur ses genoux en appuyant la tête contre la sienne et l'embrassant sur la tempe. Jamie se glissa toujours derrière elle pour l'entourer de ses bras et la serrer doucement. Un sourire radieux éclatait instantanément sur les lèvres de la jeune femme.
C'était leur propre façon de se dire qu'ils étaient désolés. Jamais Eva ne s'excusa, même lorsqu'elle aurait dû. Elle aimait Jamie trop fort, trop désespérément, pour cela. Et lui non plus ne s'excusa jamais, respectant trop Eva pour lui imposer cela. Là-dessus, ils se comprenaient bien et s'accordaient comme la chaussure au pied de Cendrillon.
Emmy fut témoin de l'amour dysfonctionnel et improbable que se portaient le britannique et la québécoise, de ce couple dont rien n'était censé retenir ensemble, mais qui, pourtant, ne pouvait s'empêcher de toujours revenir l'un à l'autre. Plus les jours passèrent, plus l'invitée vit dans le regard de Jamie à quel point il avait un besoin indispensable d'être avec Eva. Il ne mentait pas lorsqu'il disait qu'il ne se voyait plus sans elle, qu'il serait perdu si elle partait. Lorsqu'il voyait cette fille passer près de lui, c'était un frisson qui le faisait frémir d'envie et de bonheur, c'était un feu d'artifice qui éclairait son regard devant la chance qu'il avait qu'elle fut si près de lui.
La noiraude vit aussi l'épanouissement d'Eva, combien son quotidien, enfin, lui suffisait avec un sourire du chanteur, d'un touché, et rien de plus. Elle croyait toujours qu'ils ne méritaient pas du tout d'être ensemble. Ils avaient volé le bonheur de trop de gens autour d'eux pour gagner le leur... mais ils s'aimaient tant, si fort, qu'elle comprit pourquoi ils avaient sacrifié autant. Elle comprit que cela n'avait pas vraiment été un choix, ni pour l'un ni pour l'autre. S'ils s'étaient séparés ce jour-là à l'aéroport, jamais ils n'auraient retrouvé ce bonheur laissé derrière. Il y aurait toujours eu un vide impossible à satisfaire. Cela en valait la peine.
Sous un autre angle, son immersion se fit de façon très personnel. Elle n'avait aucune attache et profita de sa liberté pour voir la ville sous son propre oeil. Sans l'aide d'Iwan, elle n'aurait probablement vu que l'appartement de son amie et les endroits qu'elle lui montra. Le gallois profita de ses moments libres pour renouveler ses avances envers Emmy, toutes plus ou moins subtiles, qu'on se le dise. Bien qu'elle ne lui offrit plus le plaisir de l'intimité qu'ils avaient eu chez Eva, il profita de chaque moment en sa compagnie, un peu plus déchiré devant l'indifférence de la noiraude.
Pour compenser, il la traîna d'un bar à un pub entre les soirées avec ses amis.
La seule obligation d'Emmy fut d'essayer sa robe en présence d'Eva, robe qu'elle adora, comme prévu. Simple, mais très appropriée.
Mercredi, les invités d'outremer arrivèrent en un morceau et prêts à tout. Les futurs mariés passèrent une journée d'enfer à diriger et s'occuper de tout le monde.
D'abord, on alla porter la famille de la rousse à Brighton, chez les parents de son futur mari. Légèrement inquiète, la jeune femme tint à s'y rendre pour s'assurer que sa grand-mère ne manquerait de rien, que sa mère ne tuerait personne et que son beau-père saurait vivre en public. À la grande surprise d'Eva, sa mère et le père de Jamie fraternisèrent rapidement, ayant tous les deux le même passé de jeunesse. Peut-être que tout se passerait bien finalement.
Le frère de la rousse devait, dans le plan initial, rester à Brighton, seulement, Eva le ramena avec elle, refusant de se défaire de sa moitié. Elle avait si peu d'occasion de l'avoir avec elle, elle ne s'en déferait pas si facilement.
Ensuite, le couple rejoignit les cinq amis de la rousse. Ils déposèrent Marie-Ève et Keven chez Joe. Les deux amis furent à peine arrivés qu'Evie-Grace tomba instantanément sous le charme du grand militaire. Jamie trouva la scène plutôt adorable entre sa nièce de neuf ans tout juste et l'homme près de la quarantaine. Déjà père de trois enfants, il n'eut aucune difficulté à s'occuper d'elle. Il avait toujours été charmeur, Evie-Grace n'échappa pas à son charme naturel. S'assurant que tous les trois s'en sortiraient bien, le couple se sépara.
Jamie amena son beau-frère manger et Eva alla porter Catherine, Joanie et Maxime chez Rich. Ne sachant pas trop à quoi s'attendre avec ce dernier, la rousse préférait prendre les choses en mains. Elle ne fut pas surprise de voir Maxime déjà fraterniser en terme de jeux vidéos. Les deux hommes s'entendraient bien. Joanie n'eut rien à redire tant qu'elle pourrait aller au National Portrait Gallery. Catherine, toutefois, surprit la future mariée. L'amie de la rousse avait déjà rencontré Rich lors de quelques voyages passés. Eva avait toujours su que l'homme lui plaisait, sans comprendre pourquoi, mais à ce moment, elle vit Rich retourner l'intérêt de Catherine. Il lui souriait comme un adolescent, il s'accordait au caractère plus posé de la québécoise. À l'inverse, celle-ci s'emportait facilement au contact de Rich, trop survolté. C'était un bon dosage pour l'un comme pour l'autre... Catherine n'avait pas encore ouvert sa valise qu'elle s'occupait déjà à faire des pâtisseries et que Rich sortait la planche de Monopoly. Ils se complétaient bien, étrangement.
Avec beaucoup de temps libre, et voyant la date du mariage arriver à grand pas, les amies d'Eva voulurent organiser son enterrement de vie de jeune fille. Marie-Ève et Joanie pensèrent à une soirée dans un club de danseur, peut-être. Une virée à Paris, pourquoi pas, fut l'idée de Catherine. Par contre, la future mariée ne désira qu'une chose, presque trop banale pour la lui refuser. Une simple journée sous le soleil de Brighton. La belle température s'annonça au rendez-vous, Joanie et Marie-Ève n'avaient encore jamais vu cette ville et Catherine rêvait d'y retourner depuis sa dernière visite. Ce fut décidé.
Deux jours avant la date, toutes les cinq se retrouvèrent entre filles à se pavaner en maillot sous les regards des britanniques. Emmy adora cette journée. Enfin un peu de distraction, la paix des hommes et des responsabilités.
Il n'y eut pas de folies à Brighton; quelques hommes vinrent à elles, mais tous furent retournés. Eva et Joanie étaient déjà comblées. Les deux célibataires, quant à elles, ne voulurent pas se faire embrumer l'esprit en cette journée de réjouissance. De plus, elles avaient chacune jeté leur dévolu sur un autre britannique. Catherine et Richard étaient sortis deux fois, en à peine deux jours, ce qui s'annonçait plutôt bien selon les deux partis de cette histoire, lui racontant tout à Jamie, elle à Eva. Marie-Ève, pour sa part, avait parlé à Eva d'un des amis de Jamie avec les joues rouges et les yeux fuyants. Peut-être la belle québécoise pourrait-elle apporter du changement dans le cercle du couple. Eva croisa les doigts, se donnant pour mission de travailler sur le sujet. Puis, il y eut Emmy qui n'eut rien à faire des hommes, comme à son habitude. Elle ne pensa, pour sa part, qu'à une chose; l'homme mystère qui l'accompagnerait au mariage.
Il fut mit au clair qu'Iwan ne serait pas son cavalier. Eva s'en était assurée et lui réservait la surprise. Bien malgré tous les efforts de la new yorkaise à le découvrir, tout le monde garda le secret. Elle se dit qu'étant demoiselle d'honneur, son cavalier serait un des garçons d'honneur, seulement, Joe et Simon n'avaient rien d'une surprise pour elle. Rich présiderait la cérémonie, alors ce ne pouvait pas être lui et, bien qu'elle admettait que l'homme avait du charme, il n'était pas un cavalier qu'elle considérait. Elle passa la semaine à fouiller dans les papiers d'Eva pour trouver un nom qui pourrait répondre à ses interrogations, sans résultat. Ce jour-là, le questionnement fut mis de côté pour se préoccuper de la plage et du soleil, les petits galets et l'eau de la mer qui chantait à ses oreilles. Il n'y eut rien de plus agréable à ce moment.
Au lendemain de cette belle journée de soleil à Brighton, tous se retrouvèrent au manoir de Arley Hall pour le souper de répétition.
Oui, Eva et Jamie s'y mariaient. La rousse n'avait pas oublié cet endroit, ces jardins et la beauté féerique du domaine qu'elle avait visité avec Emmy et Iwan il y avait cinq ans. Lorsqu'elle avait quelque chose en tête, il était difficile de le lui faire oublier.
Dans la journée, Emmy admira la monstruosité des préparatifs de dernière minute. La salle, le jardin, l'autel, les v½ux, les réservations de chambres, le traiteur, le DJ, les fleurs. Avait-on la robe d'Eva? Non! Celle-ci était restée sur le support près de la porte d'entrée de son appartement, à Londres. Ce fut Keven qui s'en chargea. Il revint près de deux heures plus tard avec la robe dans son enveloppe opaque, Eva légèrement soulagée. Avait-on fait attention à l'allergie chronique aux arachides de Cordelia? Oui, le traiteur avait revérifié toutes ses recettes deux fois plutôt qu'une. Avait-on ajouté la demande spéciale de Laura Jane sur la playlist du DJ? Non, mais ce serait fait avant la fin de l'avant-midi.
Toute la journée, Emmy croisa des visages familiers comme Killian Donnelly, Lily James ou encore Francis Fee. Elle n'eut toutefois pas l'occasion de les aborder, chacun trop occupé à ses propres préparatifs. Il y avait tant de gens qu'Emmy aurait voulu voir, avec qui parler, toutefois, elle remit ses envies au lendemain, après la cérémonie. Les problèmes n'étaient pas terminés. La pluie qui tomba toute la journée fit monter la tension. Que faire si cette horrible pluie ne cessait pas? En cas de besoin, on pourrait faire la cérémonie dans un salon du manoir.
Les futurs mariés se montrèrent exemplaires. Jamie resta calme aux yeux de tous, bien que ses petites manies le trahirent. Il avait peur. Eva, pour sa part, resta silencieusement inquiétante. Il n'y eut qu'en présence de Keven, Marie-Ève ou son frère qu'elle put sourire et retrouver un semblant d'humanité. Elle ne parla vraiment qu'au souper de répétition avec ses invités. Entourée des visages qu'elle appréciait, la rousse se détendit un peu. À ce point, il n'y avait plus rien qu'elle pouvait faire pour son mariage qui ne fut pas déjà fait dans la journée. Le couple en eut un peu moins sur les épaules. Encore une nuit, et ce serait le grand jour.
Puis, la nuit tomba. Les petites goûtes de pluie résonnant contre les fenêtres du manoir bercèrent la rousse en compagnie de son frère et sa mère, tous les trois dans le lit de la future mariée. Pour un moment, la mère berça ses deux grands enfants sentant le besoin de retrouver la protection maternelle qu'elle leur avait toujours donnée. Car, sous peu, l'aînée de la famille franchirait le seuil d'une porte qu'aucun d'eux n'avait encore franchie. Eva serait toute seule dans cette aventure.
«─ Maman, commença Eva d'une petite voix, j'ai peur...
─ Tu as peur de quoi? s'enquit la mère d'une voix dure, comme si le doute n'avait jamais été une option dans cette histoire.
─ J'ai peur de faire une erreur, j'ai peur qu'il se lasse, j'ai peur de me lasser moi-même, répondit sa fille, les yeux posés sur ses mains. J'ai peur de m'ennuyer de toi, de Raph, de Marc, j'ai peur d'avoir un enfant toute seule, j'ai peur de faire les mauvais choix.
─ Arrêtes de t'en faire. Si tu fais vraiment des erreurs, tu feras les mêmes que lui. Au moins tu seras pas toute seule. Je ne pense pas que Jamie te laisse de si tôt parce que vous avez quelques petits problèmes, rassura Sophie d'une voix un peu plus douce alors que des larmes coulaient des joues de sa fille. Pauvre petite puce...»
Doucement, la mère passa la main dans les cheveux de sa fille. Raphaël prit la main de sa s½ur doucement et la serra. Leur regard se croisa et Eva eut un faible sourire avant que Raph ne rigola vraiment. Le frère et la s½ur rirent ensemble, sans savoir pourquoi vraiment. Ils en avaient simplement besoin pour qu'Eva arrêta de se torturer l'esprit.
-Ophélie-
Le mariage au prochain chapitre. Hâte? Qui accompagnera Emmy?
Que pensez-vous de son immersion dans la vie de son amie? Vous attendiez-vous à ce genre de vie? Trop chargée à votre avis?
Eva et Jamie ne se la donnent pas facile, mais au moins, ils sont eux-même! Des commentaires sur la dispute sanglante?
Catherine et Rich... pfff je vous dis pas combien je comprends pas mon amie (du même nom) et son intérêt pour lui...
Marie-Ève a un faible pour un ami de Jamie =O QUI?
Je vais changer beaucoup de chose pour le mariage... On parlera beaucoup d'Iwan et aussi de Jamie... un peu d'Emmy et... un invité surprise ehehehehheheheheheheheheheh
Que pensez-vous de son immersion dans la vie de son amie? Vous attendiez-vous à ce genre de vie? Trop chargée à votre avis?
Eva et Jamie ne se la donnent pas facile, mais au moins, ils sont eux-même! Des commentaires sur la dispute sanglante?
Catherine et Rich... pfff je vous dis pas combien je comprends pas mon amie (du même nom) et son intérêt pour lui...
Marie-Ève a un faible pour un ami de Jamie =O QUI?
Je vais changer beaucoup de chose pour le mariage... On parlera beaucoup d'Iwan et aussi de Jamie... un peu d'Emmy et... un invité surprise ehehehehheheheheheheheheheh